Change­ment de voiture au bureau avant de se ren­dre en France. La mienne est trop voy­ante. Gala prend le volant. Elle con­duit à l’I­tal­i­enne, pousse les vitesses, fait criss­er les pneus. Ce n’est pas le jour. Le moin­dre pal­to­quet admin­is­tratif exerçant sont droit de con­trôle pour­rait me con­duire en cel­lule. Je lui demande de ralen­tir. Tu ne vas pas me dire com­ment con­duire? Elle fait rugir le moteur sur la route de Bel­le­garde. A deux pas du poste de gen­darmerie, il y a un mag­a­sin de sport. Je me suis mis en tête d’aller acheter une pelle (pour enter­rer les pâtes au Lac noir), des shorts de boxe et des haltères. Gala reste sur le park­ing. Je file en tapinois, jette un oeil dans les allées du mag­a­sin. Le  temps presse: il va être midi et nous venons dépos­er de l’ar­gent à la banque, laque­lle ferme à midi. Je dépose des arti­cles dans mon panier: lanterne, mail­lot, tabouret, pelle, chaus­settes, et rejoins la voiture les yeux au sol. Gala démarre. Il pleut. Pour une fois, c’est utile. Lorsque Gala range la voiture con­tre la banque rue de la République, je m’af­faisse sur le siège côté pas­sager, la pluie fait le reste. Dans Bel­le­garde et invis­i­ble. A l’ap­proche de midi, remue-ménage dans la ville. Bus sco­laires, ouvri­ers, bural­istes, heure de la soupe. En face de la voiture, le bâti­ment qui abrite les bureaux des huissiers (ceux-là mêmes qui ont blo­qué mon compte la semaine dernière et ont volé l’ar­gent qui y était déposé) et celui de l’av­o­cate (dont la ligne de défense, lors du procès, a été de con­seiller: dîtes que vous regret­tez et rien d’autre, ne dîtes surtout pas la vérité!). Au bout de dix min­utes Gala revient. Dix min­utes de tra­vail pour dépos­er de l’ar­gent. Régime aber­rant des ban­ques français­es: vous faites leur méti­er (rem­plir des fich­es, gliss­er l’ar­gent dans une enveloppe, gliss­er l’en­veloppe dans un tiroir), la banque vous fac­ture des frais pour ce tra­vail qu’elle vous délègue et, de con­cours avec l’E­tat, vous vole au nom de la loi — je ne par­le pas de l’usure, je par­le de la façon dont elle dis­pose de votre argent comme s’il était le leur). Tou­jours la pluie. Et cette-fois, con­tre nous. Faute de vis­i­bil­ité, lorsque Gala reprend le volant, elle recule brusque­ment et heurte la voiture sta­tion­née der­rière elle. Le con­duc­teur remonte le trot­toir. Gala ouvre sa por­tière, fait signe qu’elle va par­lementer.
- Si dans dix sec­on­des, ce n’est pas réglé, lui dis-je, je ren­tre à Pied et on se retrou­ve en Suisse.
Mais Gala a du génie. Elle sourit, s’ex­cuse, prend en con­sid­éra­tion le mon­sieur (qui ne demande pas autre chose), la voiture du mon­sieur (bonne pour la casse), et encore le mon­sieur (qui n’en demandait pas tant). D’ailleurs la voiture n’a rien. A sa place j’au­rai com­mencé par dire: votre voiture n’a rien! Ce qui bien sûr m’au­rait valu l’en­voi des gen­darmes. Nous quit­tons Bel­le­garde, procé­dons à nos achats, 600 francs de viande, de fro­mage et de vins et rejoignons le bureau pour l’échange des voitures. Je m’ac­corde alors quelques instants de répit en atten­dant que les enfants sor­tent de l’é­cole et con­state que j’ai acheté un short de boxe XXL et un autre pour enfant de 8 ans.