Au  Khao San Park In, l’hô­tel de Banglam­phu où nous descen­dons depuis des années. D’un côté la rue envahie de bou­tiques, de bars, de stands qu’ar­pen­tent jour et nuit les touristes, de l’autre une ruelle large comme la paume d’une main où dor­ment les vendeurs de nems, les cou­turi­ers, les lavandières. La seule activ­ité pos­si­ble, la meilleure, s’asseoir sur une ter­rasse et regarder. Spec­ta­cle inchangé des arrivants nerveux et four­bus, les sacs au dos, des rabat­teurs indi­ens et des som­nam­bules, des enfants ébahis, mais le quarti­er n’a plus la même allure. Les hip­pies encore nom­breux dans les années 1990 ont dis­paru, il y a plus d’ar­gent, moins de paresse, les vis­ages sont plus liss­es. Les routard venaient d’Inde, du Bangladesh, d’In­donésie. Posé le pied à Khao San c’é­tait attein­dre Paris. Aujour­d’hui les voyageurs arrivent de Paris et s’en­fi­lent dans un McDon­ald puis ils achè­tent un pas­sage sur Koh Pi Pi et mon­tent dans un shut­tle une bouteille de Chang à la main. Je marche pen­dant des heures. Les vendeuses de riz qui occu­paient les trot­toirs ont été rem­placées par des com­merces ambu­lants. Je le note puis j’ou­blie. Gala à qui j’en fais remar­que me dit que le gou­verne­ment a sévi suite à des cas d’in­tox­i­ca­tion entraî­nant la mort. Pas moyen de véri­fi­er. L’am­biance de Bangkok en serait boulever­sé. Autre sen­ti­ment, celui de faire comme cha­cun et de ne pou­voir y échap­per. Ici comme ailleurs, devrais-je dire, moins qu’en Europe pour­tant, par­ti­c­ulière­ment dans les pays anglo-sax­ons. Mais Bangkok me sem­blait échap­per à ce tra­vers de la mon­di­al­i­sa­tion: trop vaste, trop pro­fonde, trop pop­uleuse. Le lende­main je m’é­carte des quartiers du cen­tre (Pratu­nam, Lumphi­ni, etc.): cir­cuits de puis­sance moins évi­dents, activ­ité incom­préhen­si­ble des thaïs, le vrai bon­heur. De retour je monte sur le toit de l’hô­tel — aucun rési­dent ne sem­ble soupçon­ner son exis­tence et la récep­tion n’en fait pas la pub­lic­ité — et fais du sport sus­pendu au-dessus de la ville.