Il y a quelques années je déje­u­nais avec un homme d’af­faires au World Trade Cen­ter de Grat­ta-Paille. Chemise à col raide, veste bleu nuit, assis de côté dans sa chaise, l’oeil à tout, au ser­vice, au temps qu’il fait, aux femmes, celui-ci écoutait mes ques­tions et y répondait en addi­tion­nant des chiffres, des posi­tions, des inputs et des out­puts. Con­seils au demeu­rant fort utiles, prodigués avec crâner­ie et générosité. Le repas dure, nous prenons du café, alen­tour les tables se vident — ce qui donne tou­jours un sen­ti­ment de puis­sance, comme si la réus­site était acquise. Il sait main­tenant le type de société que je veux mon­ter, il a éval­ué mon degré d’hon­nêteté, mes chances de suc­cès et n’ig­nore pas que je suis intéressé par une col­lab­o­ra­tion, et c’est pourquoi, au moment où je tends la main pour dire au revoir, il insiste pour me rac­com­pa­g­n­er et me rac­com­pa­gne ain­si jusqu’au troisième sous-sol, chem­i­nant à mon côté sous le pla­fond bas du park­ing souter­rain, pour ne me lâch­er qu’une fois qu’il a vu ma voiture. Alors, ras­suré par sa taille et par la mar­que, il me sert la main.