Traversée éreintante sur Java. Stationné en plein soleil le bus attend une heure et demie moteur allumé. Quand je vais aux renseignements, on me dit “bientôt”. Je suis debout depuis minuit, il est dix heures, il va être midi quand un chauffeur s’avance jusqu’au bus. Le voyage commence, mais d’abord il faut sortir de Denpasar, et la route est saturée. Puis viennent les collines. Sept heures de bus. Au port, personne ne descend, un bac appareille, un autre s’immobilise, le bus se glisse dans son ventre. Les passagers restent dans leurs sièges, je vais sur le pont. Gros courants dans le détroit. Gala récupère sa valise, le bus reprenait déjà la direction de Malang. Nous avons nos billets pour cette même ville, où nous n’avons jamais songé à nous rendre. Mauvaise compréhension. 100’000 roupies gaspillées. A Banyuwangi, sur le port, l’officier d’immigration envoie son adjoint nous chercher. Il exige une déclaration. Celle-ci consiste à contresigner son livre et à écouter les quelques mots de français qu’il a appris. L’homme est d’une gentillesse confondante. Perdu au fond de sa cahute, inutile, il ferait presque pitié, mais je transpire à gros bouillons et ne tient pas debout. J’ai réservé un hôtel. Il n’y en a qu’un. Le chauffeur de taxi n’en jamais entendu parler. Le site internet indiquait ” Plus que deux chambres, dépêchez-vous de réserver!” Il n’y a qu’une chambre à l’hôtel Bella Vista et les derniers occupants y ont dormi au mois de septembre — nous sommes en février. Le personnel se met aussitôt à l’oeuvre pour réparer l’air conditionné. Je dis que nous nous contenterons du ventilateur. Gala part avec le chauffeur acheter des antibiotiques. Le ventilateur s’arrête. Je m’endors. Le sommeil est si profond que j’ai de la peine à en sortir. Il fait plus de 40 degrés. La chambre est en hauteur, au bout d’une échelle, sous un toit de palme. La vue est double: sur la mer et sur les camions. Un jardinier coupe les arbustes au ciseau, des gamines demandent si nous voulons manger au restaurant. Nous voulons bien. Elles expliquent que le restaurant, c’est elles. Nous commandons un riz. Elles reparaissent bien plus tard avec du riz. La cuisine est dans une villa moderne des années 1960 qui devait appartenir à l’un des ambassadeurs de la jeune Indonésie indépendante. Le salon est plein d’objets et de photographies ayant appartenu à cette noble famille. Plus tard arrive un homme qui se présente comme le manager. Il n’y a plus de places dans le train du lendemain pour Surabaya. Il nous y emmènera en voiture. Le matin, les jeunes filles demandent si nous voulons un petit-dèjeuner. Elles se mettent à quatre pour fabriquer des toasts et une omelette. Personne n’a vu le manager. Je demande qu’on lui téléphone. On me répond “oui”. Je demande si on a téléphoné au manager. On me dit qu’on va lui téléphoner. Soudain il est là, nous montons à bord d’un pick-up. Assis le long de la route les macaques de Pahuran nous regardent passer la tête dans les mains. Huit heures plus tard nous sommes à Surabaya.