Avec P. de R. au Café de l’Europe à Lausanne où je le rejoins à 22h00 venant de Fribourg après le cours de boxe. Le couple des propriétaires est au service, les tables en bois, les chaises solides, les paquets de cigarette empilés dans une armoire — nous buvions la bière pression dans ces mêmes chopes il y a trente ans. Discussion sur le délabrement de la société. Le militant énergique des années 1990 a fait place chez P. de R. a un pessimiste radical. Si nos regards catastrophés convergent, nous portons la trace de nos obsessions: liquidation de l’intériorité pour moi, écologie et surpopulation pour lui, ce qu’il appelle le “rat race”. Des comportements fantasmés il y a quelques années, deviennent réel: des amis font des réserves de nourriture, se procurent des armes, étudient l’agriculture de survie. En ce qui me concerne, lorsque la vie matérielle sera devenue l’unique enjeu, je n’y trouverai plus d’intérêt (sans pour autant imaginer renoncer à me défendre). P. de R. affirme que les milieux écologistes sont d’accord: aucun régime de production hors celui des nomades (du fait de la limite naturelle mise à l’accumulation) ne peut durer. Mais alors…? Avec une belle tranquillité il me rappelle qu’il est toujours en possession de mon Suicide mode d’emploi, livre reçu pour mon anniversaire des 19 ans dans lequel on trouve des recettes de cocktails médicamenteux réalisables à base de produits vendus librement en pharmacie .
- J’ai prévu, dit P.de R. d’emmener la famille dans un endroit agréable où se suicider ensemble.