Mois : décembre 2012

A mes yeux l’Es­pagne a longtemps été le pays des ter­rains vagues, des ter­res brûlées et des hameaux,  des par­celles vides et des pâtures sans bétail. S’y ajoutent aujour­d’hui les chantiers arrêtés. Ces espaces com­mu­niquent un fort sen­ti­ment de lib­erté. Dès l’age de douze ans je plaçais plus haut que tout autre loisir la prom­e­nade à tra­vers ces lieux et les mer­cre­di, jours sans école, j’a­chetais des bon­bons pour inciter mes amis à me suiv­re jusque dans ces par­ages où je les égarais. Pour quit­ter un vil­lage en Castille, il suf­fit de suiv­re une rue à son terme: à la dernière mai­son com­mence la nature. Je sus­ci­tais alors une dis­cus­sion et nous allions ain­si pen­dant des heures, per­son­ne ne songeant à ren­tr­er à la mai­son, où il eut fal­lu inven­ter un jeu, ce comble de l’ennui.

Songer que les efforts de mise, de maquil­lage, de tenue, les efforts de présen­ta­tion que nous réal­isons por­tent sur quelqu’un que nous ne pou­vons voir — nous-même — laisse perplexe.

Tu es seul.
Tu vas mourir.
La société veut que tu devi­ennes ce que tu ne veux pas devenir.
Pense.
Deviens qui tu es.

Qu’on imag­ine une souf­france que ne pour­rait soulager la mort.

Dans une grande mai­son vide un télé­phone se met à vibr­er, il tombe de la table sur laque­lle il est posé et vibrant se promène dans la maison.

Ce que l’homme mau­vais peut obtenir par le coup-mon­té c’est de l’ar­gent et du pou­voir — de l’il­lu­sion. Ce qu’il ne peut obtenir, c’est l’homme. Il se met à dis­tance de lui-même. Le prob­lème est que sur cette dis­tance il sème des ombres dans lesquelles les autres hommes se noient.

Etan se plaint de l’His­toire. Toutes ces pier­res! Ces mon­u­ments, ces églis­es! Asphyxi­ants! Je ne me plains pas, je les aime. Leurs formes bru­tales, imposées, nous font un fardeau et s’il faut s’é­vad­er, c’est par le bas, en creusent le savoir, en creu­sant l’e­sprit, image inver­sée de la montagne.

Bien sûr je suis replié sur moi-même, bien sûr j’aimerais l’être plus encore, bien sûr l’é­tant j’aimerais accéder à l’universel.

Gala s’en­dort devant le film. Je luis dis d’aller se couch­er. Elle ne veut pas. Va te couch­er! Mais non, je regarde ! Elle s’en­dort. Je la réveille. Elle se ren­dort. Des mois plus tard, je cite une scène du film. Elle cherche à se sou­venir. Sou­viens-toi, on l’a vu ensem­ble! Je ne l’ai jamais vu. Mai si! Mais non, assure Gala, ce n’é­tait pas avec moi!

On ne voit pas ce qu’on vit, on voit ce qu’on a vécu et comme pour la résur­rec­tion, cela relève de la croyance.