Après une séance d’échauf­fe­ment dans l’e­space com­mun du club, je descends dans la salle de boxe, tire ma corde à sauter, me place en face des miroirs et fait de l’ex­er­ci­ce. La porte s’ou­vre. Je suis sur­pris. D’habi­tude il ne vient per­son­ne l’après-midi. Sans lâch­er le rythme, je salue. Pas de réponse. Le gars s’a­vance, allume la chaîne stéréo. Il a une trentaine d’an­nées, il est d’un physique cour­taud, ses mem­bres sont épais, mus­culeux, sa peau lai­teuse. Son vis­age n’est pas laid mais déplaisant car sans expres­sion. Ni émo­tion ni expres­sion. Des rid­ules sur un fond farineux, et des yeux enfon­cés de fouine. Il aligne deux trois directs en grog­nant puis me rejoint devant les miroirs. Quand la musique qu’il a choisie démarre, il enchaîne des mou­ve­ments rapi­des de danseuse, se déhanche, vire­volte, sautille, fait des génu­flex­ions, des écarts. Le lende­main, ven­dre­di, je suis sur le quai de la gare de Fri­bourg, j’at­tends les enfants qui arrivent de Genève. Deux policiers sur­veil­lent, l’un des deux est mon gars. Il porte le gilet par-balle, la matraque, la lampe-torche, les menottes, et un atti­rail sec­ondaire. Il par­le avec son col­lègue en fix­ant le vide. Le mar­di, à l’en­traîne­ment de boxe, il est là. Pen­dant que nous ban­dons nos poignets et échangeons quelques mots en cama­rades, lui est à l’é­cart, nouant ses ban­des avec sérieux. A la fin de la péri­ode, après les phas­es tech­niques au sac, comme nous sau­tons à la corde j’ai la malchance de touch­er au vol sa corde. Il se retourne et me fusille du regard. Aux ves­ti­aires, il sec­oue dans un petit bidon un breuvage jaune qui évoque le por­ridge et le boit en soufflant.