Mois : avril 2011

Maçon­ner les murets, écrire des mails, pein­dre les cloi­sons, cuire la potée de légumes, télécharg­er des films, don­ner la leçon d’es­pag­nol aux enfants, arroser les salades, faire du vélo en écoutant un con­férence de philoso­phie, pay­er l’élec­tricien, sus­pendre la lessive, régler les fac­tures, chercher des ren­seigne­ments sur Las Vegas (nous décol­lons jeu­di), éviter de répon­dre au télé­phone quand c’est la gendarmerie.

Jardin en fleurs, cerisiers, pom­miers et poiri­ers aériens et blancs. Aplo pho­togra­phie Liv devant une rangée de tulipes pour fab­ri­quer le car­tons de son anniver­saire de dix ans. Un an, depuis la fête dernière, qu’elle en par­le et se réjouit.

La ville, sta­ble le jour, boulever­sée la nuit, avec quelques erreurs de cast­ing de sorte que cha­cun demeure aux aguets.

Me sens capa­ble d’un grande har­monie dans la rigueur, mais la con­jonc­tion d’une sit­u­a­tion favor­able sur laque­lle exercer dans le temps cet espoir?

Ce matin, prêt à avaler le monde. Poitrine, cuiss­es et mol­lets gon­flés d’én­ergie. Eveil­lé tôt, j’ai joui de trois heures d’at­tente, sous le duvet, au rythme des cloches qui son­naient à l’église. Et main­tenant j’avale la route à 110km/h, vitesse dan­gereuse qui met à dis­po­si­tion les ravines, bas fos­sés, chi­canes et bretelles de cam­pagne. Je sens les paque­ts de tuiles, de car­relage, de gra­vats qui tanguent dans le cof­fre de l’u­til­i­taire. A la déchet­terie, je jette le tout à grandes mains dans les bennes et prends la direc­tion du Fort-l’Ecluse. Peut-être est-ce Gala, cette énergie dans le plexus. Cinq min­utes au télé­phone hier soir. Mis­ère. Plus tard, comme j’in­stalle des cadres dans l’ago­ra de l’u­ni­ver­sité de Genève, je sec­tionne un cable à l’aide d’une pince Mon­seigneur. Petite flamme au milieu des étu­di­antes. Que fait cet ouvri­er? Et le soir, de retour à Lhôpi­tal avec les enfants, tan­dis que je pré­pare sur recette des Lasagnes bolog­nais­es, le chauffe-eau explose. Des jets de vapeut sor­tent par le toit de la mai­son, le bou­can. Le plom­bier au télé­phone me crie: — Entrez dans la chaudière et coupez le plomb, l’eau va bouillir!

Nous en sommes encore aujour­d’hui à lire sur nos murs des affich­es élec­torales mon­trant des hommes poli­tiques en por­trait avec ce sol­gan: j’a­gi­rai pour vous (2011).

Ils instal­lèrent soix­ante boîtes à let­tres dans le vil­lage car le plan quin­quen­nal mis­ait sur l’é­coule­ment avant décem­bre du stock. Mais comme il n’y avait que deux fac­teurs, seules dix boîtes à let­tres sur les quelques ver­stes qui sépar­ent le cen­tre des hameaux étaient desservies, et au hasard. On vit alors quelle était l’as­siduité des amoureux, tous les jours, même par forte neige, ils par­couraient le chemin du can­ton, rel­e­vant une après l’autre les boîtes, inféodés à la math­é­ma­tique de l’amour.

Gala au télé­phone. Dans les Cévennes, dit-elle. Où elle est. Sans adresse, sans autre pré­ci­sion. Ici les gens peignent, dit-elle. Moi, je des­sine. Ils par­lent peu. Il sen­tent. Et oui… ça va. Comme un étau qui veut ser­rer un nuage.

L’in­tel­lectuel est d’abord le pro­duit de la langue. C’est son habita­cle et, pour tout assaut don­né au réel, son out­il et sa métaphore. En cela à dis­tance infran­chiss­able du silence monachique comme de la vol­u­bil­ité idiote.

Quand autour de nous tout se tient, mesure de nos efforts, nous cher­chons mécanique­ment le point faible, et faute de le trou­ver le produisons.