Mois : mars 2011

Pas de nou­velles de Gala.

Hier, aus­sitôt les enfants couchés, coup de ton­nerre et foudre. L’é­clair frappe à quelques mètres de l’ate­lier. Une boule de feu illu­mine le site. L’élec­tric­ité lâche (dans la nuit, le télé­phone qui fonc­tionne déso­mais sur bat­terie, s’é­claire). Je guette le crépite­ment des flammes d’un incendie. Je me ras­sure en me per­suadant que le clocher de l’église, point le plus haut, aura attiré la foudre.

Mieux vaut être l’é­tranger d’une société des valeurs et des choix que citoyen d’une société des lâchetés et du renon­ce­ment. Sans les enfant, je m’en irais.

La fin de Win­ston dans 1984 d’Or­well, les rats du régime de con­sen­sus visent à tra­vers le vis­age la cervelle dont ils avaleront la sub­stance unique.

Après le petit match de foot­ball du mer­cre­di avec les enfants, autour de la table blanche des Nord­mann à boire de grands litres de bière et à devis­er avec F. sur la cat­a­stro­phe montante.

Enchante­ment des enfants lorsqu’ils revi­en­nent dans la mai­son de Lhôpi­tal ce soir. Le bal­daquin sur le lit de Liv, la mon­tre Casio au poignet d’Ap­lo pour laque­lle nous venons d’a­cheter une pile et un bracelet neufs. Mais aus­si les pro­grès de la con­struc­tion, moi qui m’é­chine toute la semaine et le week-end. Des “oh” et des “viens voir, vite!” Et ils voient: les pla­fonds sat­inés, la per­go­la mon­tée entre les pom­miers dans le fond du jardin, le man­teau de cheminée.

Est-ce une bonne idée de racon­ter ça aux enfants? A table lorsque nous dînons, au petit déje­uner et pen­dant le tra­jet en voiture de France en Suisse, le matin, pour aller à l’é­cole. Peut-être est-ce d’avoir été traité en adulte trop vite, trop tôt, trop bien. On ne peut savoir. Pas plus qu’on ne peut se défaire de ces taits de car­ac­tère. Le père se trans­met de fils en fils.

Fleurs autour de la mai­son. Elles poussent lorsque nous avons le dos tourné. Je demande leurs noms. S. me les dit. Je lui mon­tre les salades plan­tées dans la terre fraîche, puis j’al­lume un feu. Il pleut sur le Jura. Le temps de dis­pos­er le porc sur la grille, il pleut sur le porc. Nous regar­dons depuis la véran­da des ver­res d’al­cool dans la main. Plus tard, S. est malade. Je lui tape sur l’é­paule sans cess­er de boire, seul à côté d’elle, coupé de tout par le drame (sans per­son­nages ni texte ni logique) que Gala orchestre autour de moi. Nous instal­lons les étoffes ros­es que S. a cousues pour Liv sur le bal­daquin de bois du lit, puis elle ren­tre chez elle en se ten­ant le ven­tre. Dans la soirée, un cour­ri­er: je n’au­rai jamais dû pren­dre la déci­sion de mari­er mon mari, je ne l’aime pas, je ne l’ai jamais aimé.

La cage devenant chaque jour plus petite, la souris s’adap­ta en resser­rant ses organes puis en les supprimant.

Cette nuit je pen­sais à G., met­teur en scène, réal­isa­teur, comé­di­en. Son faciès rabelaisien, ses yeux petits, son ven­tre. Et ses car­ac­tères: vif, amusé et amu­sant, autori­taire et vol­u­bile. J’as­sis­tais à une réu­nion dans un hôtel de Berne lorsqu’il m’a appelé de Paris la pre­mière fois. Que des louanges: vos pièces ceci, votre écri­t­ure cela. Ton sincère et prob­a­ble sincérité. Mais aus­si, l’en­vie de croire qu’il venait de dénich­er l’au­teur avec qui for­mer le tan­dem du suc­cès. Et quand cela n’ar­rive pas, il se détourne. En y songeant cette nuit entre deux oreillers, ce que je peinais à com­pren­dre, c’est en quoi une réac­tion pro­fes­sion­nelle défend­able devait emporter l’homme entier.