Pas de nouvelles de Gala.
Mois : mars 2011
Hier, aussitôt les enfants couchés, coup de tonnerre et foudre. L’éclair frappe à quelques mètres de l’atelier. Une boule de feu illumine le site. L’électricité lâche (dans la nuit, le téléphone qui fonctionne désomais sur batterie, s’éclaire). Je guette le crépitement des flammes d’un incendie. Je me rassure en me persuadant que le clocher de l’église, point le plus haut, aura attiré la foudre.
Enchantement des enfants lorsqu’ils reviennent dans la maison de Lhôpital ce soir. Le baldaquin sur le lit de Liv, la montre Casio au poignet d’Aplo pour laquelle nous venons d’acheter une pile et un bracelet neufs. Mais aussi les progrès de la construction, moi qui m’échine toute la semaine et le week-end. Des “oh” et des “viens voir, vite!” Et ils voient: les plafonds satinés, la pergola montée entre les pommiers dans le fond du jardin, le manteau de cheminée.
Est-ce une bonne idée de raconter ça aux enfants? A table lorsque nous dînons, au petit déjeuner et pendant le trajet en voiture de France en Suisse, le matin, pour aller à l’école. Peut-être est-ce d’avoir été traité en adulte trop vite, trop tôt, trop bien. On ne peut savoir. Pas plus qu’on ne peut se défaire de ces taits de caractère. Le père se transmet de fils en fils.
Fleurs autour de la maison. Elles poussent lorsque nous avons le dos tourné. Je demande leurs noms. S. me les dit. Je lui montre les salades plantées dans la terre fraîche, puis j’allume un feu. Il pleut sur le Jura. Le temps de disposer le porc sur la grille, il pleut sur le porc. Nous regardons depuis la véranda des verres d’alcool dans la main. Plus tard, S. est malade. Je lui tape sur l’épaule sans cesser de boire, seul à côté d’elle, coupé de tout par le drame (sans personnages ni texte ni logique) que Gala orchestre autour de moi. Nous installons les étoffes roses que S. a cousues pour Liv sur le baldaquin de bois du lit, puis elle rentre chez elle en se tenant le ventre. Dans la soirée, un courrier: je n’aurai jamais dû prendre la décision de marier mon mari, je ne l’aime pas, je ne l’ai jamais aimé.
Cette nuit je pensais à G., metteur en scène, réalisateur, comédien. Son faciès rabelaisien, ses yeux petits, son ventre. Et ses caractères: vif, amusé et amusant, autoritaire et volubile. J’assistais à une réunion dans un hôtel de Berne lorsqu’il m’a appelé de Paris la première fois. Que des louanges: vos pièces ceci, votre écriture cela. Ton sincère et probable sincérité. Mais aussi, l’envie de croire qu’il venait de dénicher l’auteur avec qui former le tandem du succès. Et quand cela n’arrive pas, il se détourne. En y songeant cette nuit entre deux oreillers, ce que je peinais à comprendre, c’est en quoi une réaction professionnelle défendable devait emporter l’homme entier.