Après deux heures de pourparlers Gala monte en voiture et me rejoins à Genève. Nous sortons, à onze heures, mais le lundi la ville est fermée. Est seule éclairée la porte du 75, l’antre d’Einstein. Trois ou quatre épaves et Michel le chinois (il y a vingt ans, à mon retour d’Australie, dans ma cuisine, il révisait ses examens de licence un six-pack à portée de main). Affublé d’une chaussette, il a les yeux hallucinés et peine à me nommer. Plus tard, il retrouve la parole et chante des litanies où ne figure pas un mot de français, tirades de syllabes qui bout à bout forment une prosodie automatique. Cela dure toute la nuit. Gala lui répond, j’abandonne. A trois heures du matin, dans son appartement des grottes — frigidaire vide, cendriers, livres érudits et recueils de poésie en piles — il se met à parler italien puis latin. Nous dormons sous un piano à queue, il s’affale dans un fauteuil, un bouteille de marc contre la poitrine. Sur l’ordinateur tournent des enregistrements flamenco de l’avant-guerre .