Le mag­a­sin a été ven­du avec son arrière-cour. Après véri­fi­ca­tion, il con­te­nait un immeu­ble mod­erne dans le style des années cinquante et un carnotzet vau­dois. Benoit, ravi de cette vente, reçoit les félic­i­ta­tions de la munic­i­pal­ité. Au pre­mier rang on voit le maire et le directeur des travaux. Le dis­cours ne fait pas de doute: tout sera démoli, un fast-food sera con­stru­it. Dégoûté je bous­cule les per­son­nes de l’au­di­ence et sors. Dans la rue m’at­ten­dent mon frère et sept filles. Elles sont peu dis­cern­ables, toutes jeunes. Je recon­nais une cou­sine, une employée, une amante. Mais les prénoms m’échap­pent. Ensem­ble nous assis­tons au con­cert de Slip­knot. Les portes vien­nent d’ou­vrir, c’est encore le sound­check. Atti­tude vio­lente, bou­can. J’e­spère avoir bien cade­nassé on vélo (le jaune.) Après réflex­ion, je suis ras­suré. Ain­si je peux boire. Et je bois en toute tran­quil­lité, quand soudain, quelque chose dans ma main: le cade­nas. Les musi­ciens prof­i­tent de mon désar­roi pour inon­der le sol à grands baque­ts. “Pour étein­dre la fumée des cig­a­rettes et pro­téger nos voix”, expliquent-ils. D’ailleurs ils ont besoin de moi. Me voici sur scène. Nous jouons un morceau, de la var­iété. De retour au bar l’or­gan­i­sa­tion vient à moi, elle me reproche mon jeu de gui­tare. Je m’ex­cuse: mon vélo a été volé. A l’ex­térieur de la salle, j’in­sulte les marchands-clochards qui ont mis mon vélo en piéces et le vendent à la criée. Com­ment a‑t-il pu être dépecé aus­si vite? Le cadre et le guidon sous le bras je me rends chez un marc­hand-squat­ter, peut-être le chef des voleurs. Affa­ble, il me fait tra­vers­er son apparte­ment. Dans un lit dort un amant, plus loin dans une pièce rose un bébé, il le prend dans ses bras. Puis une femme, plusieurs femmes et dans la cave — une mer­veilleuse cave qui fait aquar­i­um et per­met d’ob­serv­er les fonds du Léman — mes enfants. Mais je m’im­pa­tiente: je suis venu pour le vélo. Au moment où mon fils com­prend que je vais l’ab­n­don­ner, il crie et m’ap­pelle. Quelqu’un dit: “il faut qu’il s’habitue à ce genre de choses.” Dans la rue (vélo pas réparé) les sept filles affron­tent dans un bat­tel de skate une tribu enne­mie. Je demande une planche. Ma cou­sine me répond: “J’ai pour principe de ne rien offrir, jamais.” De retour dans l’ap­parte­ment du marc­hand-squat­ter, je cherche l’escalier qui con­duit à la cave. Aux WC je me fais dessus.