Hors-tout 2

Passé le week-end à écrire le pro­gramme d’au­todéfense. Autour de la mai­son des cris d’en­fants et des abois de chiens, des embras­sades et des rires, des con­ver­sa­tions et des bavardages sur les champignons récoltés en forêt, sur les enfants, le temps, les chiens, sur la cui­sine et le prob­lème majeur qui se pose toute l’an­née aux Espag­nols: com­ment fab­ri­quer une bonne tor­tilla de patates. Je sors côté rue et ren­tre. Je sors côté jardin et ren­tre. J’avais ouvert les fenêtres, je les ferme.

Ensuite

Ce qui dans la mort nie le tout de la vie doit être enten­du — raisonnable­ment — comme autre chose, pré­cisé­ment: autre chose que la néga­tion de la vie dont nous faisons l’expérience. 

Ville blanche

Vue aéri­enne de Cadix aux quartiers inondés de lumière. Dans mon rêve, je m’ex­clame: “mag­nifique, il n’y a per­son­ne! C’est là que je veux vivre!”. Par télé­phone, je racon­te la scène à Gala. Elle objecte: “cela te passera” et enchaîne une fois encore sur le par­age que j’ai choisi, au pied des Pyrénées, nulle part, où l’on ne peut — selon elle — imag­in­er vivre plus de quinze jours par an. 

Hors-tout

Hier au soir, lumières éteintes, con­stat heureux, ce serait presque un ravisse­ment, je n’ai rien à faire.

Ex Machina

Quand je fixe un écran, il s’éteint.

Goût

Et son fausse­ment: nour­ri­t­ure de ditri­bu­tion en Suisse, chaque jour plus aseptisée.

Techniques

“[]le pre­mier mort est ce qui con­t­a­mine chaque chose avec la sen­sa­tion de la men­ace. Son impor­tance est fon­da­men­tale pour l’é­clate­ment de la guerre. Les tyrans qui veu­lent provo­quer une guerre savent très bien qu’il leur est indis­pens­able de se pro­cur­er ou inven­ter un mort.” Elias Canet­ti, Masse et puissance.

VW 4

Après deux heures de marche au départ du col du Por­talet, beauté sai­sis­sante de l’Ibón d’Anayet. L’eau est couleur thé, la pierre verte, l’herbe lumineuse. Qua­tre cent mètres plus haut la mon­tagne-tri­an­gle du même nom. Le pic est acces­si­ble, ce qui paraît invraisem­blable lorsque l’on fixe la masse, mais l’as­cen­sion se fait par une sente creusée à même le roc (il y a deux ans, pris de ver­tige, j’ai renon­cé). A la tombée de la nuit, nous instal­lons le van près de la fron­tière française, entre deux mono­lithes qui doivent nous pro­téger du vent. Toute la nuit, la tem­pête nous drosse.

VW 3

Sous le dôme de Piedral­ma, à écouter de la tech­no et griller de la viande. Oiseaux, san­gliers, bruits de la riv­ière. Pas une lumière arti­fi­cielle. A minu­it, nous allons à pied à la source nous bross­er les dents.

VW 2

Après avoir étudié les cartes, par­lé avec les voisins et revu les itinéraires à vélo de l’au­tomne dernier, je pro­pose à Aplo une tra­ver­sée des déserts entre Calatayud, Tudela et les Mon­e­gros. La veille du départ — il est encore à Zurich — il demande si nous iri­ons faire du kayak. Plutôt qu’un bil­let d’avion pour Madrid, j’achète alors un vol pour Barcelone et en mat­inée nous prenons la route à bord du van pour le val d’Ager au Nord de la Cat­a­logne. Le soir, au camp­ing, sous la pluie, la pre­mière depusi trois mois, les locaux nous dis­ent qu’il n’y a pas d’eau dans les canyons du Con­gost de Mont-Rebei. D’où un change­ment de cap: nous remon­tons les Pyrénées en direc­tion de l’Aragon, pas­sons au pied de Tor­reci­u­dad, la forter­esse de l’O­pus dei, dînons à Bar­bas­tro, visi­tons Alquézar et finis­sons le périple du jour dans la région d’Ain­sa à chercher le long des chemins qui sur­plombent la riv­ière Ara où gar­er le van pour la nuit. Mais la tem­péra­ture tombe, les manœu­vres sont dif­fi­ciles, les berges molles ou cul­tivées (la veille dans le park­ing de l’aéro­port, peu habitué à ce nou­veau véhicule, j’ai frois­sé la car­rosserie). En fin de compte, nous rabat­tons sur l’aire de sta­tion­nement des car­a­vanes devant l’en­ceinte du château d’Ain­sa. Pour cette sec­onde nuit, nous maîtrisons mieux la par­tie habi­ta­tion: la bière est froide, le repas cuit sans enfumer le l’habita­cle, nous pré­parons les lits sans hésiter — Aplo dort en bas, je dors au deux­ième étage, sous le toit ouvrant. Le mer­cre­di, retour à Agrabuey. Le jeu­di nous par­tons pour le ter­rain où nous dres­sons la tente chi­noise de vingt mètres car­rés que j’ai achetée en prévi­sion de mes futurs chantiers, n’osant pas — du moins pour l’in­stant- con­duire le van à tra­vers le champ, le bois et le pont immergés qui amè­nent à Piedralma.