Ecrit dans Les grands cimetières sous la lune: “L’homme est naturellement résigné. L’homme moderne plus que les autres en raison de l’extrême solitude où le laisse une société qui ne connaît plus guère entre les êtres que des rapports d’argent. Mais nous aurions tort de croire que cette résignation en fait un animal inoffensif. Elle concentre en lui tous les poisons qui le rendent disponible le moment venu pour toute espèce de violence. Le peuple des démocraties n’est qu’une foule, une foule perpétuellement tenue en haleine par l’Orateur invisible, les voix venues de tous les coins de la terre, les voix qui la prennent aux entrailles, d’autant plus puissante sur ses nerfs qu’elles s’appliquent à parler le langage même de ses désirs, de ses haines, de ses terreurs.”
Grave (suite)
Recul vital considérable à force d’en rabattre sur les activités sans que je sache si c’est bien fondé aucun médecin n’ayant donné de conseils quant à la façon de conduire la convalescence. Je suis en attente d’un avis indisponible et, par prudence, me tiens tranquille ce qui consiste à éviter de trop boire, éviter de monter à vélo, éviter les haltères et la course, éviter de sauter, hurler, porter; à la fin, je ne fais que lire, écrire et penser. La journée s’écoule ainsi, entre le bureau et le poêle, puis je me mets au lit, content non seulement d’être réfugié dans la maison mais désireux de me réfugier plus avant, dans la chambre, dans le silence, dans le noir. Moment où je recommence d’écrire, de penser et de lire, ne pouvant trouver le sommeil après une journée aussi tranquille.