Groupe de Visegràd

A bord de la vielle Vol­vo de Mon­père à l’habita­cle dou­blé de moquette, longue route sur le Danube en direc­tion de Viseg­ràd. Il règne une tran­quil­lité mor­tifère. Qui voudrait tourn­er un volet de la série zom­bie, n’au­rait qu’à débar­quer les morts-vivants ; pour le décor, il n’a pas besoin de retouch­es. Chiara dit que le week-end c’est la ruée. Qu’on se dis­pute le trot­toir. Que les pâtis­series vien­nois­es volent dans les airs, que les boules de glaces sont col­orées. Nous sommes mer­cre­di. Tout est gris, con­trac­té, à l’é­querre. Et les cafés ont leurs cou­tumes. Ils ont des airs de salons privés. Des airs désuets. La dame qui vous reçoit se tient raide façon musée de cire. Elle attend de savoir. Quoi? Ce que vous faites chez elle. Un café je vous prie! Elle se met en mou­ve­ment. Elle le fait (le café). Toute une opéra­tion. Pour­tant, ce n’est pas le pre­mier, n’est-ce pas? Quand le café est fait, elle vous le remet. Quand vous l’avez en main (le café), vous le trans­portez jusqu’à une table. Au fond du salon. Dans la pénom­bre, sous les tableaux. Alors le silence retombe. J’ai con­nu cela en Fin­lande. Les Kau­ris­ma­ki le mon­trent dans La petite file aux allumettes. Dans la suite de l’œu­vre, ils passent au muet. Plus juste. Car en fin de compte, ce qui manque, c’est le lan­gage, le dionysi­aque, la joie, la danse, quitte à ce que ce soit la danse des zom­bies. Le café bu, nous reprenons la route. La Vol­vo fait mer­veille. Elle est orange, elle ron­ronne, sa cale est plate, une sorte de boîte à chaus­sures ce mod­èle de 1980, déjà un autre siè­cle. A quelques 70 kilo­mètres de Buda, au fond du ter­ri­toire de Hon­grie, se tient Eszter­gom. Le vis­i­teur cir­cule au pied de la basilique. Qui est énorme. Plus grande basilique après le Vat­i­can. Un bâti­ment gré­co-romain cha­peauté d’une coupole d’ob­ser­va­toire. Enorme la coupole. Jean-Paul y est venu. Moi aus­si, il y a 30 ans. La Vol­vo descend vers les eaux du Danube. Elle monte sur le pont de métal qui mène en Slo­vaquie. Mon­père racon­te son bom­barde­ment en 1945. Cet axe est resté coupé jusqu’en 1990, date de la recon­struc­tion du pont. A Stúro­vo, nous avons ren­dez-vous avec un Français de Budapest. Trop cher, il a emmé­nage ici, dans cette ville, ce bourg, ce lieu, ce Stúro­vo. Nou­veau café. Plutôt qu’une dame, un patron. Avez-vous quelque chose à manger, demande Chiara. Le patron désigne deux tranch­es de tarte sous une cloche de plas­tique. “Excel­lentes”, dit le Français. La porte du café s’ou­vre, entre un client, il salue, s’en­tre­tient avec le patron, salue et sort. “C’est le maire, dit le Français, très gen­til. Il ne fait rien”. Ensuite, halte au super­marché Bil­la. Bière, fro­mage, papi­er de toi­lettes. Pho­togra­phie de la Basilique depuis la rive slo­vaque. Retour à la Vol­vo. Mon­père trans­porte une toile de maître qu’il a acheté Fr. 1.- à un gitan. Nous déposons la toile de maître dans la mai­son de cam­pagne du Bal­a­ton, Chiara nour­rit le chien aveu­gle du voisin des restes de midi, puis retournons à Budapest. Fin de journée, je suis au marché cou­vert de Lehel Ter, bistrot du pre­mier avec vue sur les char­cu­ter­ies et les frais­es pour écrire la suite de mon livre, boire de la Dreher, de la Soproni, de la Árani Azsok.

Lecteurs

Salle de lec­ture de la bib­lio­thèque mét­ro­pol­i­taine Erwin Szabó dans le quarti­er de Kálvin Tér. Des pla­fonds en cais­sons de bois et des lus­tres de mille feux. Sur­volant les longues tables aux plateaux de cuir des volutes d’or. Les étu­di­ants lisent enfon­cés dans des fau­teuils à œil­lères, d’autres médi­tent dans les chem­inées de mar­bre. L’étab­lisse­ment nav­igue au cœur de la ville comme une nef surgie du passé.

Obuda

Dans les rues de la grande fatigue. Ce que c’est, je l’ig­nore. Des nour­ri­t­ures sans force ni vit­a­mines, une brouil­lard en façade, un soleil pla­neur, le ralen­tisse­ment des hor­loges. Le passé noie l’avenir. Heureux d’avoir enfer­mer dans des enveloppes de papi­er toutes sortes de pilules: col­lagène blanc et huile de pois­son, zinc et mag­né­si­um, créa­tine et artichaut. Sans elles, je raserais les murs. Ce que font les Hon­grois. Quand ils ne titubent pas. 

Test 4

Nous n’avons pas pu sauver Dieu. Saurons-nous sauver l’homme? Si c’é­tait la même chose? 

Etiques

Ils boivent de l’eau col­orée qu’ils nom­ment café, ils grig­no­tent des brioches de mau­vaise farine qu’ils appel­lent brioches, le jam­bon est mai­gre, les légumes chétifs. Il faut être malade! Ils le sont.

Test 3

“Le monde d’hi­er” de Ste­fan Zweig, sec­ond anéantissement.

Mousse

Ren­dez-vous à l’u­sine avec Atti­la. J’ai de la chance. Les Roumains de Tata­mi-puz­zle m’ont don­né le con­tact d’une société ital­i­enne de Trévise, celle-là m’a ren­voyé auprès de la mai­son-mère qui est ham­bour­geoise où les Alle­mands m’on appris que leur suc­cur­sale spé­cial­isée dans les mouss­es sportives était à Budapest. Le taxi me dépose devant une usine avec por­tail coulis­sant, chem­inée et blocs de pro­duc­tion. Un gar­di­en me fait pass­er sous l’en­seigne Poly­foam. Le plan du site en main, je me dirige vers l’escalier extérieur du bâti­ment B. Nous grim­pons dans le bureau d’At­ti­la. Il est rem­pli d’échan­til­lons. Atti­la me tend sa carte. Il est Foam man­ag­er. Et mesure deux mètres, et pèse son poids. A la fin de l’en­tre­tien, il me dit: “j’aime beau­coup votre pro­jet, j’adore la mousse”.

Test 2

Créer un hori­zon d’at­tente réglé sur l’of­fre industrielle.

Transylvanie 5

Sur le chemin de l’é­cole le père et le fils s’ar­rê­tent, se tour­nent vers l’église, se signent.

Test

Le Covid est un test de mise sous ten­sion du col­lec­tif humain. Le pre­mier du genre. Une autre forme de guerre. Test en par­tie réus­si puisqu’un grand nom­bre d’in­di­vidus à décou­vert à cette occa­sion que les valeurs qu’il jugeait déter­min­er ses déci­sions n’ex­is­taient pas, que ces valeurs n’é­taient que des infor­ma­tions arti­fi­cielle­ment injec­tées dans le collectif.