Il y a deux ans, Luv faisait son école de graphisme au centre-ville. Enfant, je passais mes congés d’école à déambuler entre Moncloa et la Place d’Espagne. Chacun montre à l’autre des rues, des quartiers, des bâtiments. Mais Monpère est le plus drôle. Comme nous cherchons où manger un menu, il dit de le suivre. Sur place, il constate: “il y avait un bon restaurant ici. Evidemment, cela fait un certain temps…”. Oui, c’était en 1975.
Madrid 2
Hôtel d’architecture franquiste dans le quartier de Chamberí. Commode, tiède, calme. Comme dit Mafille: “juste après, c’est l’Amérique. En effet, passé Cuatro Caminos la population brunit, zézaye, mange des tacos et du riz. Quant à Monpère (qui vivait dans la capitale en 1975), il cause avec un vieux gardien d’immeuble et raconte : “lui et moi nous souvenons qu’ici commençaient les champs”.
Madrid
Pas fermé l’œil de la nuit. Ainsi en va-t-il des changements de régime. La fatigue vous rattrape, elle vous empêche. A six heures, je prends la route pout Madrid. Les enfants arriveront en avion, de Genève. Il sont trois, car les accompagne l’amie d’Aplo. Crainte d’être arrêté par la Garde civile, Monfrère ayant dénoncé mes plaques, mais non, c’est le désert, le soleil, la plaine immense. Et soudain la capitale, tonitruante, dure, emmêlée. L’ordinateur de bord me guide jusque dans un terrain vague où j’ai loué par internet une place “à long terme”. Un Roumain assisté d’un Chilien assisté d’un Ukrainien, me font garer, encaissent et me conduisent au Terminal 1. Une minute plus tard, les enfants surgissent de la porte des arrivées: je ne les ai pas vus depuis septembre.
Printemps
Derniers jours d’un long travail d’écriture. L’arbre est élagué, j’ai coupé l’herbe. Il pleut. Au jardin, il reste 800 kg de bois, j’ai en cave un demi-plein de mazout. Ce matin, pas besoin de prendre place à table, de poursuivre ou de reprendre l’essai (G&G). Il repose. Un café, une bière, des noix, je lis un peu sur les désordres du monde. Derrière les Pyrénées, la France s’effondre. Ici, le silence règne. Les oiseaux sont revenus. Je les écoute. J’écoute SlimLord, Tod Rundgren et Still Corners, je cuisine de la viande. La viande est de plus en plus mauvaise. Les crustacés, c’est pire. Ils arrivent en avion. Je m’enthousiasme pour les légumes et le vin. Ils ont l’odeur de la terre locale. En fin de journée, arrive par mail un questionnaire. Une revue s’intéresse à mon théâtre. Est-ce que je me souviens encore d’en avoir écrit? Je réponds avec courtoisie et concision. Le lendemain, le rédacteur de cette Lettre du théâtre romand demande : “vous ne voudriez pas en dire un peu plus, que l’on sache qui vous êtes?”.
G&G
Travail continu sur l’essai Gouvernance et Gaming. Les heures sont comptées, réparties, honorées. Et je peine, je fatigue. Passé les lectures de ma petite bibliothèque, je pensais me débarrasser de l’écriture en trente jours. Maintenant il faut tout reconsidérer. Les raisonnements sont potaches. Aussi me tiens-je à mon horaire de potache: lever à 10h24 (rythme biologique), je m’assieds au bureau à 12h00. Là je coupe l’internet car j’ai ces jours des sifflements dans l’oreille catastrophique qui en font une cavité sanglante et je me mets à mes phrases. Deux heures plus tard, j’arrête. Je cuisine. Des légumes, surtout des légumes, encore des légumes. Avant de reprendre les corrections, j’allume le feu. Fin d’après-midi, quand baisse la lumière, je soulève des poids ou je fais du vélo, ou encore je rejoins au village les voisines qui font des Pilates (mardi et jeudi). Puis c’est la bière, l’écoute politique du monde, le chantier des perditions, et enfin il est minuit, je vais au sommeil, et je prends avant de plonger dans le noir quelques notes pour le redémarrage matutinale des prochaines corrections ou je lis Simenon, Stiegler, Gorki.