JS

Pro­jet de jour­nal secret: Les derniers jours de la sincérité.

Société

Attablé sur une place du vil­lage avec des gens que j’aime beau­coup, qui sont agréables et souri­ants, à qui je n’ai rien à dire. Eux cherchent leurs phras­es, les dis­ent. Vont à un sujet, qui s’épuise. J’évite de trop m’ex­primer. A une ques­tion, je viens de répon­dre de façon affir­mée. Les attablés ont cru que je fai­sais l’o­rig­i­nal. J’ai exprimé le dix­ième de ma pen­sée. Tais-toi! Sen­ti­ment de boîtes de con­serve que l’on tourne à la maniv­elle dans des cerveaux vides.

Littérature

Fasci­nant Grand jeu de Dau­mal et Lecon­te. Com­ment en vient-on à pro­duire des expéri­ences esthé­tiques sur la vie, la mort aus­si intens­es, aus­si extrêmes? Cela dès l’ado­les­cence, en rup­ture avec la société civil­isée, bour­geoise, tim­o­rée dont on est les reje­tons? C’est un mys­tère. Lié à la haute édu­ca­tion, elle même fac­teur des toutes les spécu­la­tions pro­pres à la jeunesse, à sa fougue, à sa folie.

Tiroir

Très mal dor­mi, puis très bien dor­mi puis très mal dor­mi. Vie irrégulière. Elle ressem­ble à un tiroir que l’on rem­plit à ras-bord et ferme à coups de pieds. Trop de choses. Le corps ne trou­ve pas le som­meil, il est lourd, il étouffe. Vie qui per­met de tout faire (vélo, écri­t­ure, tra­vail, recherche, patates, Pilates…), sauf dormir. 

Jardin

Plan­té un parterre de patates. La terre est grasse et lourde. J’hésite entre la pioche et le sar­cloir. La pelle car­ré con­vient mieux. Les deux pieds sur le fer, j’en­fonce. Puis je tire con­tre le buste. Atten­tion à ne pas cass­er le manche. Ensuite, il faut cass­er les mottes. Pour se faciliter la tâche, mouiller. Mal­gré nos efforts pour remon­ter à la source, net­toy­er la prise, le bec de robi­net donne peu d’eau. Depuis hier, elle n’ar­rive plus au jardin. Nous rem­plis­sons des arrosoirs. Une sor­tie à vélo de 80 kilo­mètres est moins fati­gante qu’un sac de pouss­es à met­tre en terre.

Civilisation

Une par­tie de l’én­ergie de notre race est con­som­mée dans le diver­tisse­ment. C’est un fac­teur de paix. Mais c’est aus­si, devant d’autres races qui ne con­nais­sent le diver­tisse­ment que comme débauche d’én­ergie, une fac­teur de disparition.

Balai

Dès huit heures sur la route de col avec l’av­o­cat occupé à bal­ay­er le gravier. Mon­té sur une machine à rouleau d’une tonne, un chas­seur ami de J. nous précède pour avaler le gros de la cail­lasse. La brosse de paille soulève une pous­sière qui masque le ciel. Le nuage est vis­i­ble à l’oeil nu. Avant qu’il ne nous atteigne, nous grim­pons sur le talus. Quand il retombe, nous allons au labeur. Ain­si de suite pen­dant trois heures, le long de la pente qui mène au vil­lage de Gal­maña. Il faut pré­par­er la route. Same­di les cyclistes en com­péti­tion doivent pou­voir rouler à bonne vitesse sans finir dans le ravin. L’av­o­cat, fin con­nais­seur du vélo, indique les tra­jec­toires prob­a­bles. Nous bal­ayons là. Puis nous pres­sons le pas, les bal­ais de fer sur l’é­paule, car la machine qui a pris de l’a­vance. Trois virages plus bas, le con­duc­teur d’en­gin est occupé à relever un Alle­mand et sa femme qui ont chuté à moto. Casqués, bot­tés, bardés, ils sont aus­si âgés. Lui porte une mous­tache blanche du siè­cle dernier. L’av­o­cat s’en­quiert en Alle­mand: “Alles gut?”. Encore choqué, le cou­ple répond sans apercevoir ce qu’il y a d’é­trange à être apos­trophé en Alle­mand dans un col des Pyrénées où passe moins d’une voiture par heure. Quand ils repar­tent, l’av­o­cat observe: “sans nous impos­si­ble de relever la moto, elle pèse plus de deux cent kilos!”.

Eau

Bain dans l’Ara qui coule en bord de ter­rain une eau chaque jour moins froide. Quelques pier­res plates vis­i­bles dans la trans­parence ser­vent de march­es. Vaste à cet endroit le lit bute sur les galets et fait tres­sauter le courant. Lorsque le corps est immergé, il suf­fit de reculer un peu pour que les eaux blanch­es jail­lisse à hau­teur de tête. Des traces de l’in­cendie de brous­saille qu’Evola a allumé il y a deux ans sont encore repérables sur les cail­loux de la berge. Pour attein­dre ce lieu que nous appelons les “bains”, nous emprun­tons de la porte ouverte dans la clô­ture un sen­tier d’une main de large. 

Dialogue et nuit

L’im­mense sol­lic­i­tude d’un monde plein de beauté qui com­mande la con­tem­pla­tion, le retrait et enfin l’heureuse mort.

Européennes

Demain les Européens votent pour légitimer la dic­tature de la Commission.