Je réfléchis à un livre sur Dieu. Pas celui qui existe. Celui qui est immanent, possible, en devenir. Celui que nous sommes, dès lors que nous avons la capacité de le penser.
Nouveau Monde
Vols vers Bangkok interdits jusqu’en juillet; réseau de caméras numériques sur la plage de Fuengirola, Andalousie; couvre-feu à Rangoun; en Aragon, membres d’une même famille contrôlés à bord de leur voiture; illégaux défendus par l’Etat suisse; ministres qui se cooptent dans des positions de pouvoir à la faveur de décrets, à Paris, à Madrid; femme négroïde à passeport français qui fait passer une loi qui détruit la liberté d’expression; manifestants démocrates appréhendés parce qu’ils portent une pancarte; clients de centres commerciaux contraints de télécharger une application de traçage pour accéder aux magasins… Un monde fou.
Léman
Monpère, bientôt quatre-vingt ans, et surprenant: “Que faites-vous, bloqués à Lausanne, lui dis-je?”. “De la promenade, beaucoup de promenade, en ville, au bord du lac… tiens justement, au fait, je pensais acheter une combinaison pour aller nager. Tu sais comment ça fonctionne ces trucs toi?”.
Air
Pilote de chasse, j’étais tenu de prendre les commandes devant le Conseil fédéral réuni in corpore, pour une démonstration de feu, du nouveau Grippen. Or, je n’avais pas la moindre idée de pilotage. Je poussais alors devant moi un camarade d’escouade, professionnel chevronné, espérant qu’il me glisserait à la va-vite les rudiments nécessaires au décollage de l’appareil. Monté dans l’avion, je constatais qu’il s’agissait d’un monoplace. Et les dirigeants me pressaient: “commencez! commencez donc!”
Mouvement 27
Nature généreuse, fraîche et chaude. J’aime l’herbe grasse et les pissenlits. Les montagnes penchent à nouveau vers l’immeuble, tout à l’heure les élèves de l’école du Sanatorium sont reparus. Ils bronzaient sur des chaises longues à même le terrain de sport, ils buvaient du thé. Ils n’ont aucun souci. Leurs pays? Proche-orient, Afrique noire, Hong-Kong. Fermés. Alors? “Rien, me disent-ils, nous louerons des appartements pour l’été!”. Fortunés parents.
Mouvement 26
Quelque part en montagne, noyé dans la brouillard. Les arbres ruissellent, les corbeaux croassent. Une semaine que je ne vois plus les élèves du Sanatorium. Par moment, lorsque je m’entraîne sur l’esplanade, des rires fusent. Je lève le nez vers les étages. Personne aux balcons. Le paysan a rentré ses vaches écossaises. Gala m’envoie recharger son téléphone au supermarché. Des adolescents boivent sur le trottoir. Image réjouissante. Il faudrait les multiplier par cent, par mille. Au café qui vient d’ouvrir, un client attablé devant un jus de pomme. Vision finlandaise. Les frère Kaurismäki nous régalaient de ce cinéma du néant dans les années 1990. Depuis nous sommes passé par la fièvre, la gesticulation, le choc des corps, le feu babélien (mon projet d’en faire le récit sous le titre “Le devenir new-yorkais de Lausanne”), avant de retomber, sous l’effet des discours de terreur sanitaire, dans la plus complète aboulie. Au supermarché, l’ambiance est plus décontractée qu’à la fin mars. Mais — il faut le noter — cet appareil de distribution de la nourriture est le seul lieu vivant à quinze kilomètres à la ronde, pas de quoi en faire une université de l’homme libre. De retour dans l’immeuble Sirius, je prends des nouvelles du gouvernement espagnol, auteur de décisions chaque jour plus absurdes, destructrices, peut-être fatales pour l’économie des foyers. A Madrid, dans le quartier de Goya, des manifestations anti-état d’urgence exigent la démission de la Moncloa (manifestations aussitôt déclarées d’extrême-droite, ce qu’elles sont en partie hélas). Et en Allemagne: force réactionnaire du peuple. Et à Berne hier : samedi prochain, j’irai.