Quelque part en montagne, noyé dans la brouillard. Les arbres ruissellent, les corbeaux croassent. Une semaine que je ne vois plus les élèves du Sanatorium. Par moment, lorsque je m’entraîne sur l’esplanade, des rires fusent. Je lève le nez vers les étages. Personne aux balcons. Le paysan a rentré ses vaches écossaises. Gala m’envoie recharger son téléphone au supermarché. Des adolescents boivent sur le trottoir. Image réjouissante. Il faudrait les multiplier par cent, par mille. Au café qui vient d’ouvrir, un client attablé devant un jus de pomme. Vision finlandaise. Les frère Kaurismäki nous régalaient de ce cinéma du néant dans les années 1990. Depuis nous sommes passé par la fièvre, la gesticulation, le choc des corps, le feu babélien (mon projet d’en faire le récit sous le titre “Le devenir new-yorkais de Lausanne”), avant de retomber, sous l’effet des discours de terreur sanitaire, dans la plus complète aboulie. Au supermarché, l’ambiance est plus décontractée qu’à la fin mars. Mais — il faut le noter — cet appareil de distribution de la nourriture est le seul lieu vivant à quinze kilomètres à la ronde, pas de quoi en faire une université de l’homme libre. De retour dans l’immeuble Sirius, je prends des nouvelles du gouvernement espagnol, auteur de décisions chaque jour plus absurdes, destructrices, peut-être fatales pour l’économie des foyers. A Madrid, dans le quartier de Goya, des manifestations anti-état d’urgence exigent la démission de la Moncloa (manifestations aussitôt déclarées d’extrême-droite, ce qu’elles sont en partie hélas). Et en Allemagne: force réactionnaire du peuple. Et à Berne hier : samedi prochain, j’irai.