Mouvement 26

Quelque part en mon­tagne, noyé dans la brouil­lard. Les arbres ruis­sel­lent, les cor­beaux croassent. Une semaine que je ne vois plus les élèves du Sana­to­ri­um. Par moment, lorsque je m’en­traîne sur l’e­s­planade, des rires fusent. Je lève le nez vers les étages. Per­son­ne aux bal­cons. Le paysan a ren­tré ses vach­es écos­sais­es. Gala m’en­voie recharg­er son télé­phone au super­marché. Des ado­les­cents boivent sur le trot­toir. Image réjouis­sante. Il faudrait les mul­ti­pli­er par cent, par mille. Au café qui vient d’ou­vrir, un client attablé devant un jus de pomme. Vision fin­landaise. Les frère Kau­ris­mä­ki nous régalaient de ce ciné­ma du néant dans les années 1990. Depuis nous sommes passé par la fièvre, la ges­tic­u­la­tion, le choc des corps, le feu babélien (mon pro­jet d’en faire le réc­it sous le titre “Le devenir new-yorkais de Lau­sanne”), avant de retomber, sous l’ef­fet des dis­cours de ter­reur san­i­taire, dans la plus com­plète aboulie. Au super­marché, l’am­biance est plus décon­trac­tée qu’à la fin mars. Mais — il faut le not­er — cet appareil de dis­tri­b­u­tion de la nour­ri­t­ure est le seul lieu vivant à quinze kilo­mètres à la ronde, pas de quoi en faire une uni­ver­sité de l’homme libre. De retour dans l’im­meu­ble Sir­ius, je prends des nou­velles du gou­verne­ment espag­nol, auteur de déci­sions chaque jour plus absur­des, destruc­tri­ces, peut-être fatales pour l’é­conomie des foy­ers. A Madrid, dans le quarti­er de Goya, des man­i­fes­ta­tions anti-état d’ur­gence exi­gent la démis­sion de la Mon­cloa (man­i­fes­ta­tions aus­sitôt déclarées d’ex­trême-droite, ce qu’elles sont en par­tie hélas). Et en Alle­magne: force réac­tion­naire du peu­ple. Et à Berne hier : same­di prochain, j’i­rai.