Bataille de Moscou. Par moins quarante degrés, après des jours acharnés de combat, les soldats des divisions sibériennes détruisent à coups de crosse les croix de fortune érigées par l’attaquant nazi sur les sépultures de fortune des camarades tombés.
Milieu
Littéraire, non-criminel. Auquel j’appartiens par défaut. Et de ce fait, me parvient hier, comme à mil autres j’imagine, un message de Daniel de Roulet, lequel exhibe son refus de participer à une édition en ligne du Festival de Soleure (pour les profanes, un festival local de littérature). A la clef, pour défense et illustration, une lettre en forme de catalogue des conditions exigibles pour être, devenir, demeurer un écrivain par ces temps de contrôle numérique des corps et des esprits. Qu’il fustige. Je signe. Ce que je confirme aussitôt à Daniel de Roulet: “Bien vu!” — lui dis-je. Réaction augmentée de quelques phrase amènes et reconnaissantes. Il a raison. Ne faisais-je pas de même, il y a seulement trois jours, lorsque je j’apprenais que la plateforme Datasport nous vantait, à nous autres membres intéressés par la course de fond, une compétition de relance… en ligne? Cependant, doit être additionné ici au propos, concernant l’initiative écrite de Daniel de Roulet (dont j’aime le caractère, les textes, quoi que dubitatif sur l’écriture et hostile au positionnement politique sous-jacent, d’ordre muséal, et en phase accélérée d’obsolescence) une remarque que je n’ai formulée que par après, et dans le for intimet, une fois perçue la teneur générale de la démarche. L’écrivain entendant, si j’ai bien compris, déclarer impossible et non avenu un débat agendé par les Journées, avec des collègues-écrivains suisses-allemands, sur la question de l’engagement. Sous prétexte que: “cela ne peut se faire en ligne”. Engagement — en ligne. Contradictio in terminis. Soit. Je re-signe. Seulement j’objecte, du fond de la classe. Monsieur! Quelle ironie ce programme, alors que nous sommes tous à ramper comme des vermisseaux devant le pouvoir cathodique et policier. Car enfin, que peut bien vouloir dire, dans le domaine de la littérature ce mot grossier (du lexique militaire), “engagement”? Quel sens lui donner après la mise au formol des derniers épigones marxistes? De qui se moquent ces “engagés”? Ou plutôt ces professeurs d’engagement? Au lycée français de Mexico, avant la venue au pouvoir de l’énergumène de droite François Mitterrand, on me bassinait déjà avec les Eluards postérieurs et les Pablo Neruda onano-communistes (dans le cas du Chili, exemplifiant la limite d’intelligence libertaire d’un sud-américain doté d’un cerveau). Mais, aujourd’hui? S’il vous plaît! Et cela, en Suisse, en Europe, au mitan des technocraties, au moment où des individus sans l’ombre d’une importance comme Daniel de Roulet et moi-même en sommes réduits à gober les fadaises d’une coalition de pouvoirs dépassée par les événements, incapable de produire du sens et sous-commis à des experts sans jugeotte ni allant? Il n’y a pas! Il ne saurait y avoir! Il ne peut exister aucun engagement! A part l’action. Donc, ceci est une posture. Plus encore dans notre pays, formant comme aux périodes charnières de l’histoire, un “oeil du cyclone”. Ou plutôt, oui, il y a quelques hommes. Des courageux. Des engagés. Des croisés. Qui prévoient de recevoir des coups. Un liste de moins de vingt solides. J’admire. Ce qui montre assez mon dilettantisme. Je pense par exemple à cet homme qui va peut-être mourir en prison ces prochains jours, lynché par des musulmans mondialisés, et ce par la faute de la démocratie totalitaire des Anglais: Paul Golding. Sinon? Allez-allez! Suffit! Retournez vous asseoir à votre table d’écriture!
Robotisation
Robots et immigrés. Tel est de longue date le projet de refonte sociale. Les uns sont privés d’esprit, les autres ne pensent pas, ou mal, ou s’ils pensent, par intérêt s’inclinent. Ce piège tendu à l’histoire, la nôtre, de longue date théorisé dans les think-tanks néolibéraux, techniquement mis à charge de la gauche universitaire américaine puis européenne permettra, à la faveur de l’épidémie, de garantir le rançonnement ouvrier de la population en faveur d’une minorité adepte du dimorphisme comme l’étaient autrefois, au moment de la plus grande pourriture des prérogatives, les dynasties royales de notre continent.
Rêve
File d’attente en zig-zag. Ce sont les invités à la soirée de gala de la Maison Blanche. Devant moi, Bart Simpson, le personnage de dessin animé. Il est candidat. “Vous faites erreur, me dit-on, il s’agit d’Homer”. Pour savoir à quoi ressemble Homer dans la réalité, je remonte la file. Eh bien, il est tout à fait crédible: chauve, roux, débonnaire. “Hélas, se confie-t-il comme je lui souhaite bonne chance, il y a peu de chances que je sois élu président, et ce n’est pas à cause de l’opposant, mais de cette femme qui fait cavalier seul, Jennifer”. Vient mon tour de pénétrer dans la Maison Blanche. Je dois alors me hisser jusqu’à la porte. Haut placée, elle n’est accessible qu’aux acrobates. Enfin, je bascule dans la salle de gala. Des invités de marque se tiennent là, déguisés en girafe, chameau, chien, serpent. Un maître de cérémonie me conduit au buffet tout en posant des questions. Qu’il conclut par “vous avez droit à ça!”. Une goutte de vin versée dans le creux d’une bougie elle-même placé à l’intérieur d’un verre, tandis que les convives boivent le vin à grands traits. Je m’approche des groupes pour entendre les conversations. Partout il est question de l’élection, mais sur le mode du “one-man-show”, chaque interlocuteur s’efforçant de faire rire les autres. Une fois la salle traversée, je me trouve dans une salle de musculation. Entre les machines, des tas de polenta jaune. Les hommes qui s’entraînent sont maigres et puissants. Entre deux exercices de force, ils mangent le maïs à la louche et piochent du Nutella dans des seaux.
Alpestre
Ce matin, par grande lumière, je pars marcher. Au hasard, j’emprunte des sentiers fléchés. Au-dessus des alpages, sur un plateau de pierres éboulées, je croise un couple qui finit son excursion — il est midi passé. Je tente la montée. Après une heure trente de progression, comme le sommet est en vue, renoncer serait frustrant. En fin de compte, je suis sur la Tour du Famelon, à 2139 mètres, fatigué, content, pris de vertige (je le suis aussi sur un simple pont). Splendide ouverture sur les prés. Verts changeants, selon la fuite des nuages, de la nuance pâle au foncé bouteille. A l’horizon, les Mosses et la Forclaz. A l’est amas une amas de pierres rondes encore maquillé de neige.