Conduit avec la brouette du paysan mon sac de frappe à la salle communale où le maire, après avoir reçu d’un fitness acculé à la faillite nombre de machines, a décidé d’ouvrir un gymnase pour les voisins (quand je compte les intéressés, j’en trouve un, moi). Le jeune qui habite à l’étage m’annonce que nous allons d’abord repeindre. Bien — et aussitôt je lui offre mon aide. “Janvier”, dit-il. Ce que je regrette. Si cela ne tenait qu’à moi, je me mettrais à la peinture et aux coups de pied, aux coups de coudes, aux coups de poing dès ce soir.
Barricade
Perversion absolue de nos gouvernements. Donc de ce que nous sommes. Des stocks d’individus gérés par la statistique. Réfrigérés, réchauffés, conditionnés, déplacés selon les besoins. Les meilleurs imbéciles tirés de ces stocks, des impétrants, relaient avec délectation la propagande autour du projet d’asservissement des masses et s’en félicitent. Voici nos représentants (car tel est encore pour un temps leur nom). Pauvres de nous!
Assez! (7)
Rien de plus proche de mon état que son exact opposé, un chaos des foules, un campement de fêtards, une vaste soûlographie, la vie, la vie au présent et sa toxique jouissance. A la différence que je suis seul acteur de ce spectacle d’envergure qui se joue habituellement en nombre — avec la conviction de ne pas être seul à être seul.
Je m’amuse
Toujours occupé à écrire La Table. La couille gauche dans la main, l’enfant Francisco l’Anchoa vient de fabriquer sa première table. Elle trône parmi les compagnons, au milieu de la forêt de Las Vegas, dont les bûcherons le chassent à coups de pierres. Ses parents habitent Chinchón. Il est aux abois, il frappe à leur porte. Eux ne le reconnaissent pas: c’est qu’il a perdu toute chevelure et que son visage à brûlé la nuit où le comte l’a jeté dans le feu pour le punir d’avoir baisé la gitane Alba.
Assez! (5)
Occupé à des choses qui ne sont pas essentielles, écrire ce roman picaresque intitulé La table, nettoyer dans la maison les parquets, le poêle, la cuisine, cheminer le long de la rivière dans la neige pour tirer mes tomahawks (depuis que l’on nous emmerde pour tout — ici dans la vallée, la Garde civile veille — je jette mes haches avec moins d’aise qu’à l’ordinaire) ou encore allonger cent-trente pompes et écouter les leçons inaugurales du Collège de France, choses inessentielles qui ne furent jamais essentielles, parce que cette question ne se pose pas, jamais ne s’est posée, il apparaît clairement que nous tous, moi, faisons notre maximum pour amener à l’équilibre la vie dont nous avons la charge, appareiller le corps et l’esprit, les conjuguer l’un avec l’autre, dans la durée, bref créer ce que l’on nomme une longévité. Que d’aucuns, complexés, malveillants, faux chefs, peut-être méchants, montés sur quelques strapontins, se permettent de catégoriser nos existences en séparant l’essentiel de l’inessentiel ne doit rien nous imposer de plus que notre recherche.