Entreprise

En plein som­meil, je demandais à mon col­lègue de trente ans avec qui j’ai ces jours un dif­férend sur le mod­èle de ges­tion de notre entre­prise : “et que devi­en­nent les per­son­nages his­toriques à l’ère de la pro­duc­tion indus­trielle des individus?”

An 2 (XXVI)

La bouche est ce qui per­met de par­ler. La dis­tance ce qui per­met d’entendre.

Vice de forme

 Au nom de quoi la Jus­tice rend-elle aujour­d’hui la justice?

Destin

Aucun des pas­sagers ne con­nais­sait la des­ti­na­tion du bus, mais le mes­sage affiché en cab­ine ne lais­sait pas de doute quant à la règle: “inter­dit de par­ler au con­duc­teur sous peine d’amende”. 

An 2 (XXIV)

Inter­dit de sor­tir à l’ex­térieur de chez soi. Mais si ce qui nous appar­tient, notre mai­son, notre apparte­ment, notre intérieur, sont trans­for­més en prison, alors ils ne nous appar­ti­en­nent plus: les pris­ons appar­ti­en­nent tou­jours à l’Etat.

An 2 (XXV)

 Abo­li­tion pro­gres­sive des caté­gories dedans/dehors.

Familles

Fasciné par la belle sim­plic­ité des familles telles qu’elles se mon­trent aux yeux de ceux qui veu­lent croire à la belle sim­plic­ité des familles.

An 2 (XXIII)

Quand tout change, com­ment se peut-il que l’on entende dire sans cesse “tour va revenir à la nor­male”? Un repli du présent sur le passé. His­torique­ment, a‑t-on jamais con­staté cela?

Carson McCullers

“Un soir, un homme m’a suiv­ie dans l’escalier et a voulu me pren­dre dans ses bras. Je l’ai repoussé avec une telle vio­lence qu’il a val­sé con­tre le mur, et je me suis bar­ri­cadée dans cette cham­bre soli­taire, avec le sen­ti­ment d’être entourée d’hommes menaçants et déséquili­brés. Je pas­sais mes journées chez Macy’s, dans une cab­ine télé­phonique, où je me sen­tais en sécu­rité, mais, la nuit venue, retour de l’hor­reur et de l’in­som­nie.” Illu­mi­na­tions et nuits blanch­es (auto­bi­ogra­phie).

Naturel

Mon voisin Bolín, soix­ante-sept ans, vêtu d’une salopette usée, à son côté un chien à barbe coif­fé comme il l’est, en pagaille. Bar­man avant de pren­dre sa retraite, ce dont témoignent les poches sous les yeux . Il y a quelques années, il ren­tre du tra­vail tard dans la nuit, ivre et plus que ivre. Au croise­ment de la nationale et de notre route des Val­lées occi­den­tales des Gardes civils embusqués l’in­ter­ceptent. Inca­pable de ten­dre à tra­vers la vit­re abais­sée les papiers qu’ex­i­gent les gardes, il bafouille, il divague. Soudain, igno­rant l’or­dre des gardes qui lui inti­ment de rester à bord du véhicule, il ouvre la por­tière et descend : “lais­sez-moi, je dois piss­er!”. Les gardes désig­nent la forêt. Bolín entre dans la forêt, ne revient pas. Il ren­tre au vil­lage en pas­sant par le col. Le lende­main, les gardes se présen­tent à sa porte. Encore ensom­meil­lé, il leur dit : “don­nez le bal­lon, je vais souf­fler.”. L’a­mende qu’il reçoit sanc­tionne un “sta­tion­nement interdit”.