Mois : mai 2010

Je demande de l’eau. Une gamine me prie d’en­tr­er. Belle mai­son vers Bief des maisons. Au robi­net je rem­plis mes bidons.
- Prenez, dit la gamine, nous en avons beaucoup.

Le moteur d’une voiture dans la cour, un bruit de por­tière.
- Sors de là! Main­tenant je te dis! Dépêche-toi ou tu prends une claque! Vas-tu sor­tir?
C’est la voi­sine. Il est tôt. Pas sept heures. Son fils de trois ans, enfer­mé dans notre cabane à bois crie:
- J’i­rai pas à l’école!

Une femme belle s’u­nit à un homme fort capa­ble de repouss­er les autres hommes du fait de sa répu­ta­tion. Ain­si elle est inféodée avec con­stance au lieu d’être con­trainte sans cesse.

Les citoyens des pays com­mu­nistes louaient le régime pour éviter la répres­sion. Nous louons le nôtre pour ne pas s’ef­fon­dr­er. Eux dotés au quo­ti­di­en d’une per­son­nal­ité sec­onde, clan­des­tine, nous aliénés.

Livre lu, aimé, oublié. Livre pas lu dont on vante la grandeur.

Trois fois dans la journée comme je pénètre dans le débar­ras, je sur­saute devant le porte­man­teau qui trop chargé a pris fig­ure humaine.

Tan­dis que je bêche, la can­ta­trice adossée au puits se maquille. Son sac de cuir bour­sou­flé con­tient un atti­rail et des télé­phones. Je plante la pelle car­rée, lève la terre et j’a­vance sur une ligne. Dans l’herbe autour de la can­ta­trice, des crayons, un miroir, une poudre, des crèmes, une brosse. Elle finit par les cheveux qu’elle ramasse pour moitié en chignon, le reste coule en mèch­es sur sa poitrine. Puis dans la cage d’escalier, elle chante un peu d’opéra et dit à Gala:
- Main­tenant que c’est fait, on va pou­voir pass­er à autre chose.

Au début d’un pro­jet l’en­t­hou­si­asme peut-être défi­ni comme la dis­tance entre les moyens et la fin. L’i­nap­pro­pri­a­tion ou le manque de moyens une fois con­staté amène la ruse: la fin est readap­tée. Cette étape prag­ma­tique est par­fois suiv­ie d’une étape fon­da­men­tale qui boule­verse le pro­jet: les moyens rassem­blés sont présen­tés comme des fins atteintes. Ici la ruse cède à la tricherie. Tel est le régime de toute chose qui s’ac­com­plit dans le temps.

Le règne de la quan­tité, tant red­outé de Calaferte. La notion de partage dis­parue, la notion de cul­ture com­mune dis­parue, c’est désor­mais le tour de la langue. Faite des mots d’or­dre ou de désor­dre. Qui reprend à son compte l’ac­tion. Chaque jour moins de marge de manoeu­vre dans le monde réel, et une langue chaque jour plus matérielle, au ser­vice de la délivrance bru­tale du corps (le juron, le cri, la for­mule, le cliché.), une langue compensatoire.

Jusqu’i­ci, j’ai tou­jours résisté, me dit C. jamais je n’ai fait de sport.