La métaphysique présente et définit l’âme, engage adhésion ou croyance. L’esprit est donné dans l’expérience. Quelles que soient les spécialités qui travaillent et prétendent en définir les contours, l’esprit demeure lié au corps. La tentative de l’isoler pour le reconduire artificiellement, compréhensible au terme de la longue histoire occidentale des idées, résonne comme un appel désespéré ou un optimisme fou. L’éliminativisme qui apparaît dans la philosophie cognitive explique ce qu’il explique et n’explique pas ce qu’il n’explique pas. — c’est sa définition. En d’autres termes, la réduction pose et affirme l’irréductible. Ce passage en force trahit la frustration à laquelle il veut remédier. Rien que de plus logique que de payer le prix de la méthode scientifique nécessairement lié à la méthode du modèle. Une autre chose est de réaliser la théorie, c’est à dire de produire à partir de ses fondamentaux une morale voire une philosophie sociale. La poursuite de la vie sans le corps ou au-delà de la dégradation physique du corps ne fait que réintroduire face à l’effroi primitif devant la mort, peut-être plus lancinant que jamais dans une époque sans dieux, une métaphysique devenue technologie toute puissante. Tout en imitant les stratégies spéculatives modernes et les croyances cosmologiques anciennes, elle s’en distingue absolument en ce que le fonctionnalisme pose en principe la réalisation dans le temps et dans l’espace. Or, le seul moyen d’achever cette réalisation (voie qu’explore le posthumanisme) exige de nier l’irréductible dialectiquement liée à la réduction. Concrètement, en supprimant le corps, c’est l’expérience du sujet qui disparaît, ce vecteur nécessaire de la création, la transformation et la communication des connaissances, émotions, désirs qui font l’homme humain. Dire que toute les connaissances de l’humain sont aussi les connaissances de la machine; pour plus d’effet, ajouter que la quantité et la vitesse de la mémoire plaident en faveur de la machine alors présentée comme un humain augmenté, c’est tendre un piège, souvent conscient, au désir de longévité et de réalisation de l’individu enfermé dans les limites du corps propre. Sans position d’incomplétude dans l’espace et dans le temps, sans le nécessaire “point de vue leibnizien”, il n’y a pas de personnification de la connaissance et celle-ci demeure connaissance brute parmi des milliards d’autres connaissances, toutes identiques en valeur ou si l’on veut “sans-valeur”., créant dès lors un indécidable, soit le contraire du résultat de l’expérience par positionnement spatio-temporel qui est le principe architectonique de l’esprit-corps humain et de la société qu’il contribue à produire.