Machina 8

La méta­physique présente et définit l’âme, engage adhé­sion ou croy­ance. L’e­sprit est don­né dans l’ex­péri­ence. Quelles que soient les spé­cial­ités qui tra­vail­lent et pré­ten­dent en définir les con­tours, l’e­sprit demeure lié au corps. La ten­ta­tive de l’isol­er pour le recon­duire arti­fi­cielle­ment, com­préhen­si­ble au terme de la longue his­toire occi­den­tale des idées, résonne comme un appel dés­espéré ou un opti­misme fou. L’élim­i­na­tivisme qui appa­raît dans la philoso­phie cog­ni­tive explique ce qu’il explique et n’ex­plique pas ce qu’il n’ex­plique pas. — c’est sa déf­i­ni­tion. En d’autres ter­mes, la réduc­tion pose et affirme l’ir­ré­ductible. Ce pas­sage en force trahit la frus­tra­tion à laque­lle il veut remédi­er. Rien que de plus logique que de pay­er le prix de la méth­ode sci­en­tifique néces­saire­ment lié à la méth­ode du mod­èle. Une autre chose est de réalis­er la théorie, c’est à dire de pro­duire à par­tir de ses fon­da­men­taux une morale voire une philoso­phie sociale. La pour­suite de la vie sans le corps ou au-delà de la dégra­da­tion physique du corps ne fait que réin­tro­duire face à l’ef­froi prim­i­tif devant la mort, peut-être plus lanci­nant que jamais dans une époque sans dieux, une méta­physique dev­enue tech­nolo­gie toute puis­sante. Tout en imi­tant les straté­gies spécu­la­tives mod­ernes et les croy­ances cos­mologiques anci­ennes, elle s’en dis­tingue absol­u­ment en ce que le fonc­tion­nal­isme pose en principe la réal­i­sa­tion dans le temps et dans l’e­space. Or, le seul moyen d’achev­er cette réal­i­sa­tion (voie qu’­ex­plore le posthu­man­isme) exige de nier l’ir­ré­ductible dialec­tique­ment liée à la réduc­tion. Con­crète­ment, en sup­p­ri­mant le corps, c’est l’ex­péri­ence du sujet qui dis­paraît, ce vecteur néces­saire de la créa­tion, la trans­for­ma­tion et la com­mu­ni­ca­tion des con­nais­sances, émo­tions, désirs qui font l’homme humain. Dire que toute les con­nais­sances de l’hu­main sont aus­si les con­nais­sances de la machine; pour plus d’ef­fet, ajouter que la quan­tité et la vitesse de la mémoire plaident en faveur de la machine alors présen­tée comme un humain aug­men­té, c’est ten­dre un piège, sou­vent con­scient, au désir de longévité et de réal­i­sa­tion de l’in­di­vidu enfer­mé dans les lim­ites du corps pro­pre. Sans posi­tion d’in­com­plé­tude dans l’e­space et dans le temps, sans le néces­saire “point de vue leib­nizien”, il n’y a pas de per­son­ni­fi­ca­tion de la con­nais­sance et celle-ci demeure con­nais­sance brute par­mi des mil­liards d’autres con­nais­sances, toutes iden­tiques en valeur ou si l’on veut “sans-valeur”., créant dès lors un indé­cid­able, soit le con­traire du résul­tat de l’ex­péri­ence par posi­tion­nement spa­tio-tem­porel qui est le principe archi­tec­tonique de l’e­sprit-corps humain et de la société qu’il con­tribue à produire.