Western

Sur un vélo cabossé dans la cir­cu­la­tion chao­tique du cen­tre-ville de Bogo­ta. Métrobus, livreurs, drogués, ambu­lants, tout devient pro­jec­tile et obsta­cle, il s’ag­it d’avoir les yeux aux fess­es. “Main­tenant, annonce LM, nous tra­ver­sons le West­ern”. En effet, dès la rue suiv­ante l’am­biance change. ls bâti­ments n’ont plus leurs façades, le trot­toir est jonché de bris de verre, des gnafrons men­di­ent, des corps sous Fen­tanyl se révulsent partout des spec­tres remuent les poubelles. Le soir j’écris aux amis: “depuis le Bow­ery à New-York dans les années 1980, je n’avais pas ressen­ti un tel sen­ti­ment d’in­sécu­rité”. Ajou­tons que LM a sa respon­s­abil­ité: si je suis para­noïaque, il l’est dou­ble­ment. Je veux pho­togra­phi­er, il me met en garde; me décou­vrir, il m’en empêche; m’ar­rêter, il crie “surtout pas!”, et quand je veux pass­er une cagoule anti-pol­lu­tion, il m’en dis­suade: on me prendrait pour un para­mil­i­taire. Bref, rien de tel pour vous faire peur. Ce que j’en retiens d’abord c’est qu’il ne vaut pas la peine de vivre ain­si: le spec­ta­cle est infra-humain. De retour dans son apparte­ment en toit d’im­meu­ble séparé des autres immeubles par des spi­rales de bar­belé tran­chant, chaque fenêtre, porte, issue et jusqu’à la douche pos­sé­dant par ailleurs son arme de con­tact en cas d’in­tru­sion (bal­ai, marteau, râteau, pic à glace), LM déclare: “je voulais com­mencer par le pire, désor­mais chaque quarti­er que nous vis­iterons te don­nera une meilleure impres­sion de notre mer­veilleuse capitale”.