Sudzal

A Scham­bal­ante, cui­sine déli­cieuse et belle con­coc­tée par un chef sur les indi­ca­tions de Tol­do. Dans l’assi­ette les arrange­ments sont pré­cieux, les pro­duits choi­sis quand ils ne sont pas récoltés. Régime sans viande avec une préférence pour les légumes et les fruits, et des eaux à boire, rouge, verte, jaune, de Jamaïque, de cit­rus, de cour­gette — bien les eaux, mais pass­er la soif ne suf­fit pas, je pense aus­sitôt: “il va fal­loir trou­ver la parade”. Elle est au vil­lage de Sudzal. Là où vit le peu­ple, on boit. Le gar­di­en des bâtons me remet un vélo. Je pédale trois kilo­mètres sur une route tracée au cordeau. Au bout, dans un nuage de pous­sière chaude, l’église his­panique, une croix de béton, la place de jeux et le poste de police. Camions, motos et char­rettes roulent en direc­tion de Méri­da. Les chiens dor­ment au milieu de la route, les véhicules con­tour­nent. J’ar­rête mon vélo devant l’épicerie. Murs de parpaings, porte de ficelle. En façade des pochages pub­lic­i­taires, à même le trot­toir les bouteilles de gaz et l’ar­moire à glace. A l’in­térieur, des jeux d’ar­cade des années 1980, et les pro­duits en vrac, grain, farine, pois. Ces épiceries de vil­lage ne vendent pas d’al­cool. Un gosse me ren­seigne: “mais je crois qu’au­jour­d’hui c’est fer­mé.” Il a rai­son. L’u­nique débit de Sudzal appar­tient à la chaîne Sixx et les jours d’élec­tion le débit n’ou­vre pas. Deux paysans affairés sur une moto qui a per­du sa roue: “depuis la boucherie, tu comptes deux blocs, c’est der­rière la mai­son jaune”. Il me fau­dra encore par­ler avec d’autres vil­la­geois car la boucherie c’est l’an­ci­enne boucherie, “nor­mal que vous ne l’ayez pas vue, me dit une autre gosse, c’est ce truc, là (un bâti­ment con­damné). En revanche, pour ce qui est de l’al­cool, tout le monde est d’ac­cord : der­rière la mai­son jaune. Deux blocs plus loin je me glisse à tra­vers une palis­sade, je me retrou­ve dans une cour privée. Des hommes boivent au milieu des poules. Ils m’a­van­cent un chaise. Je com­mande un “mis­sil” pour la tablée (bouteille de 1,2 litres). Les hommes par­lent boxe, foot­ball, élec­tions munic­i­pales. “C’est aujour­d’hui, on ne boit pas pen­dant les élec­tions, mais c’est fini main­tenant, on sait déjà qui a été élu, dit mon voisin”. Il se présente: je suis l’ad­joint du maire.