Chambre à Flores chez une famille. Le balcon de bois donne sur une rue inondée. D’abord, j’ai cru que c’était le lac. Mais il y a les réverbères, les bancs, le muret, les poubelles. Tout cela baigne dans un demi-mètre d’au. Plus tard, le capitaine de la “lancha” qui me balade sur le lac dit qu’il faudra cinq ans pour que le niveau baisse. Le cyclone date de l’an dernier. D’après lui, il ravage la région tous les vingt ans. Avantage, il n’y a plus de transition entre le quartier bas de la vieille ville et l’eau. Lorsque je prends mon petit déjeuner, j’ai les pieds dans l’eau, lorsque la “lancha” me dépose je m’assieds aussitôt sur un tabouret de bar. C’est un box de garage collé à une épicerie, les bouteilles passent par un guichet. Boire ainsi de la Gallo rouge devant le pont de Flores est un plaisir. Au Mexique, il faut fréquenter les grottes pour avoir droit à une Doble XX. A la table d’à-côté (il n’y en a que deux), des fonctionnaires saouls. Déjà là quand je suis monté à bord de la “lancha”: un garde forestier, un pompier, un policier et un type qui porte de grosses lunettes. Ce dernier offre les tournées. La cadence est sérieuse. L’écran de télévision passe du hard-rock en boucle avec un accent sur la carrière de Iron Maiden. La veille, j’ai traversé le Belize en “colectivo” depuis Chetumal-Mexique. Quatorze heures de voyage avec une halte dans l’étrange capitale proto-Africaine et le passage des postes frontières à pied — je suis fatigué. Après trois Gallo, je fais la sieste dans la chambre amphibie. Au crépuscule, de retour dans le bar-épicerie. L’équipe des fonctionnaires est toujours là. L’écran aussi: Pantera, Motley Cruë, Van Halen. Le garde forestier chavire. Les autres buveurs le rattrapent. Le garde forestier se lève, entame un discours, se cogne aux murs. On le rassied. Je rejoins la tablée, j’offre une tournée de limonade au Gin. Le garde forestier veut que je vienne voir sa jungle. Son frère (le pompier) le calme. Je prétexte un coup de téléphone pour m’éloigner quelques minutes. Au bord du lac, le capitaine de la “lancha” me dit: “depuis que nous sommes partis sur le lac? Non, bien avant, ils n’ont pas bougé depuis 9h30!”. Plus tard, le pompier m’offre son T‑shirt (Attention aux incendies, prenez soin de notre pays) puis je m’en vais de l’autre côté de l’île avec l’intellectuel aux lunettes (professeur d’archéologie à Austin-Texas). Depuis un nouveau bar qui a lui aussi pignon-sur-rue nous écoutons les chants d’une procession nocturne qui fait le tour de Flores pour bénir les pas de porte. Le prêtre en chasuble énonce. Venus en famille, enfants à la main, enfants dans les poussettes, chiens poussiéreux, les fidèles sont vêtus de ponchos blancs. Il reprennent en chœur la litanie du prêtre. Alors le goupillon signe d’une croix une maison et coule de l’eau coule sur sa porte.