Cela a commencé il y a six mois. La librairie se trouve dans la ville moyenne de Lausanne, entre la cathédrale et la gare; tout en sachant que je rêve, je me souviens qu’il existe dans l’angle d’une rue pavée une librairie d’ancien. Les étalages de livres sur table visibles à travers la vitrine ne sont que déception et ne méritent pas que l’on s’y attarde, surtout des “paper backs” américains, cette ignominie. Mais un escalier en colimaçon mène à un sous-sol qui contient de vrais livres de littérature et une grande quantité d’essais. Tout en m’acheminant par la ville, ce sont ces livres dans le souterrain que je me représente. Or, arrivé dans la rue pavée, je constate que la librairie a déménagé ou qu’elle n’existe plus. Le rêve déroule ses scènes dans cet ordre, sans grandes variations, plusieurs mois de suite. Au début de l’hiver, il évolue: je me représente la librairie et ses promesses, mais je sais qu’elle n’existe plus et le rêve prend alors une autre direction. Hier (dans le rêve), je me trouvais dans le quartier de la librairie. Comment je le savais? Impossible à dire puisque je me trouvais à bord d’une ascenseur, occupé à remonter d’un parking en profondeur. L’ascenseur s’arrête, la porte coulisse. Ce n’est pas mon étage mais se tient devant moi, au fond d’un couloir, un adolescent qui règle son téléphone. Je lui fais signe: “tu montes?”. En même temps, je pense: je devrais me méfier. Il a un coquard sous l’oeil droite, une sorte de tumescence provoquée par un coup et j’observe: “normal qu’il se méfie”. D’ailleurs il répond: “non, je ne monte pas”. L’ascenseur repart et cette fois quand la porte s’ouvre je suis au niveau du souterrain où se trouve la section de la librairie réservée à la littérature. Un fille me dit: “je suis pote de la charia”. A quoi je réponds: “je vais voir les livres”. Elle corrige, “vous n’avez pas compris, je suis pote de chanaria!”. Ah, me dis-je, voilà qui vaut mieux! J’entre dans la librairie songeant : profite de ce que tu l’as trouvée pour regarder tout ce qui t’intéresse, la prochaine fois elle ne sera peut-être pas là.