J’aime (Leiris)

“L’an­nonce d’une représen­ta­tion à laque­lle on me mèn­erait me jetait dans la fièvre; d’a­vance je sup­putais tout ce qui se passerait; j’ap­pre­nais par cœur le nom des chanteurs; je ne dor­mais pas la nuit d’a­vant, je bouil­lais d’im­pa­tience pen­dant toute la journée, mais peu à peu, à mesure que l’heure approchait, je sen­tais une pointe d’amer­tume se mêler à ma joie et, sitôt le rideau levé, une grande par­tie de mon plaisir tombait, car je prévoy­ais que dans peu de temps la pièce serait ter­minée et la con­sid­érais en somme comme virtuelle­ment finie du fait qu’elle avait com­mencé. Il en est de même aujour­d’hui pour toute mes joies car je pense aus­sitôt à la mort []” “L’âge d’homme”, Michel Leiris.