Étape

Rangé le van dans le park­ing de l’Area 112, près de Guadala­jara. Sur ce plateau logé entre les déserts de Calatayud et la val­lée de Madrid, les nuits sont glaciales. Je pré­pare mon lit pour la nuit, je mange à la cafétéria, un édi­fice qui rap­pelle les “road movies” des années 1970: sur­mon­té d’une enseigne de néon, il a été mod­erne. Les serveuses por­tent l’u­ni­forme, elles se relaient selon la règle des 3/8, pré­par­ent d’é­pais sand­wichs à la viande, don­nent du « car­iño » et du « mi amor » aux routiers. La cafétéria Area 112 est ouverte du dimanche au lun­di et 24/24. Adossés aux déserts, les camion­neurs dor­ment sur une por­tion de park­ing réservée. Tourné vers Madrid, je suis seul, à l’é­cart. Une voiture de patrouille roule au pas. C’est la garde civile: une ronde par heure. Effet du désœu­vre­ment dans cette région par­mi les plus vides d’Es­pagne. La voiture ralen­tit à ma hau­teur et repart – j’en con­clus que les gardes n’ont pas d’or­di­na­teur de bord, qu’ils n’ont pas su véri­fi­er mes plaques. Des semi-remorques manœu­vrent. Je finis mes bières, je me couche. Sur la case con­tiguë des voyageurs ont organ­isé un feu. N’est-ce pas extra­or­di­naire : faire un feu, à l’é­tape, le long de l’au­toroute? J’éteins. Couch­er de soleil jaune et rouge sur paysage sans fin — le traf­ic noc­turne se déverse vers la capitale.