Ionesco

Dans les notes de son jour­nal (en miettes), dans les répons­es aux jour­nal­istes (con­tre-notes), Ionesco répète qu’il n’avait pas l’in­ten­tion d’in­ven­ter un théâtre de l’ab­surde, encore moins de revendi­quer une avant-garde. Le monde, la société des vivants qui l’habite, lui sem­ble incon­sis­tant — c’est un rêve. Ce sen­ti­ment, je le conçois. Mais c’est d’abord l’in­ca­pac­ité des gens à s’in­téress­er à eux-mêmes qui me retient. S’in­téress­er à soi-même une fois admis — c’est la néces­sité dans le raison­nement — qu’in­téres­sant, on ne l’est aucune­ment. Le sen­ti­ment de l’ab­surde, la souf­france qu’e ce sen­ti­ment déclenche dans l’être, est liée à l’ex­péri­ence répétée que l’on existe et que l’on existe pour rien. C’est exacte­ment ce à quoi il con­vient de s’in­téress­er et ce à quoi la majorité des gens ne peut pas s’in­téress­er car tout porte ces esprits faibles à nier l’in­souten­able angoisse, seul fac­teur de vérité, seul fac­teur qui fait que l’on est homme et absurde.