Port-Lauragais

La camion­nette dans le dos, un litre à la main, je fais face aux touristes qui mouil­lent leurs pénich­es sur le plan d’eau de Port-Laura­gais. Ici se ren­con­trent les auto­mo­bilistes de la A61 et les plai­sanciers qui des canaux du Midi. Il y a trente-trois ans, je voy­ageais comme eux à bord d’une péniche de loca­tion. Nous arriv­ions en famille de Castel­naudary, nous atteignions Toulouse où j’a­chetais le lende­main l’al­bum Unbe­ha­gen de Nina Hagen. Je prends une pho­to des pénich­es et l’en­voie à mon père avec ce mes­sage: “nous étions ici il y a 33 ans”. De Hon­grie, il me répond. “je ne recon­nais pas”. J’ou­vre un autre litre. Je pré­pare un pique-nique. Saucis­son, pain, cor­ni­chons. Ne manque que la moutarde. Elle est dans l’ar­moire à vict­uailles. En appui sur la ban­quette arrière, la planche de surf empêche l’ac­cès. Est-ce que je veux ma moutarde? Ce serait meilleur avec de la moutarde. J’ex­trais la planche de la camion­nette, l’ap­puie à la ver­ti­cale con­tre la por­tière. Tan­dis que je fouille l’ar­moire à moutarde, un coup de vent bal­aie la planche. Elle chute sur le park­ing, casse un de ses ailerons.