Mois : septembre 2023

Bonheur 4

Au moment de me couch­er tou­jours je me dis: voilà, la mas­ca­rade du jour touche à sa fin, le bon­heur com­mence et si je veux, lorsque la lumière revien­dra, je pour­rai refer­mer les yeux, gag­n­er un peu de temps.

Stratagème

Mon­ter sur une caisse pour par­ler plus haut.

A hauteur d’homme

Impor­tant de soulign­er que nos sociétés se pro­posent aujour­d’hui de réalis­er un avenir de peu d’intérêt.

Grippe 2023

Mes voisins de la rue Vic­tor Hugo, tous deux retraités des chemins de fer hon­grois et paroissiens de Lehel dans le dis­trict XIII, un cou­ple que je croise les mardis au petit bar du marché, ne don­naient plus signe de vie depuis huit jour (c’est elle que j’ai d’abord con­nu en décem­bre dernier lorsque je m’in­téres­sais aux sculp­tures des anges de l’église — des hor­reurs en plâtre bar­i­olé — pour un essai sur la représen­ta­tion de l’in­vis­i­ble). Ce matin, je suis au petit bar que nous fréquen­tons tous. Soudain, je me penche par-dessus la balustrade sur la fos­se aux légumes et du côté des vendeurs viet­namiens l’aperçois, lui, un masque en tra­vers du vis­age, occupé à acheter des fiasques de vod­ka. Je dévale l’escalier, je vais à sa ren­con­tre. Il fait un pas de retrait. “J’ai le Covid”. Ah, lui dis-je, mais tu as quoi exacte­ment?. “Rien, aucun symp­tôme”. Mais alors, lui fais-je, com­ment sais-tu que tu as le Covid?”. Alet­ta nous teste chaque matin. Pau­vres Csanád et Alet­ta, qua­tre fois vac­cinés! Au fond, avec cette merde, c’est comme pour Dieu, il n’y a que les croy­ants qui l’attrapent.

Figures

Aragon, triste sbire. Picas­so, tout oppor­tuniste, cynique et peu artiste qu’il fût, n’avait pas ce côté com­mis­saire du peu­ple. Pour les bonnes fréquen­ta­tions sur la butte, voir Max Jacob, Guil­laume Apol­li­naire, Tris­tan Tzara, Max Ernst. 

Art

Admirable folie des hérauts du Grand Jeu dans un monde tis­sé de lit­téra­ture où la matière le cède devant les rêves, tra­vail de pro­jec­tion de la con­science incon­cev­able sur notre planète cubique.

Menace

Lorsqu’il détecte une men­ace, le clo­porte se met en boule et attend. Quoique l’on en pense, c’est un ani­mal préhistorique.

Terre

Pre­mière récolte de patates sur le ter­rain de Piedral­ma. Demi-réus­site. L’im­por­tant était d’es­say­er. La fausse-grippe mon­di­al­iste, au-delà du crime, aura eu cette minus­cule ver­tu, accélér­er l’a­gen­da de dis­pari­tion des gens qui, comme moi, hon­nis­sent la société d’E­tat. Et com­ment sont les patates? Moyennes. Petites même. Cer­taines, pas plus gross­es qu’une cerise. J’ex­agère: il y en a aus­si qui rem­plis­sent la paume de la main. Bref, nous avons fait poussé des patates! Evola a fait mieux, il a des poireaux, des coeurs-de-boeuf et du chan­vre. Bref, le tra­vail est amor­cé. Pro­grès suit.

Régime

Pris­on­nier d’un effon­drement général dans le mou, l’indis­tinct, le vul­gaire sous la com­mande d’une élite de pacotille qui, tel un receleur, impose à la société d’Oc­ci­dent un régime qui amène les êtres à se quit­ter, se mor­fon­dre, se renier (régime de sépa­ra­tion, d’a­ban­don, de reniement qui lui per­met de s’af­firmer, elle, cette pacotille, dans la splen­dide médi­ocrité de sa dom­i­na­tion monétaire). 

Cornavin

Au camp­ing de Munte­lier — ce matin, forte pluie sur le lac de Morat. Dès que je coulisse la porte du van j’en­tre dans la boue. Le ciel gronde, je vais aux douch­es, les feuil­lages crépite, je démarre. Sous le sole pleureur, abritée sous les péda­los une famille. Elle est arrivée la veille. Les par­ents ont dor­mi dans le cof­fre de la Dacia, les goss­es dans une tente de toit. Tous ruis­sel­lent. La famille décampe. Un hausse­ment d’é­paules, signe que je com­patis, je salue et j’ac­célère. A Neuchâ­tel, je livre à ma fille Luv l’al­i­men­ta­tion que je lui ai prise en Bav­ière (parme­san flo­rentin, tape­nade grecque, den­ti­frice quadrichromie, tomates sèch­es, de l’huile, des noix et une boîte de vit­a­mines au mag­né­si­um qui est… vide — le con­tenu volé avant l’achat) et prends la route pour Genève. Cor­navin, place de la Gare, je plonge dans le park­ing souter­rain, me fau­file, avance et recule, hésite à ressor­tir, manœu­vre. A la bou­tique Bucher­er, de l’autre côté du Pont du Mont-Blanc, Aplo me reçoit en cos­tume et cra­vate. J’ai fait un effort, j’ai passé une chemise (lors de ma dernière vis­ite à mon fils dans la Bahn­hof­s­trasse de Zurich, en Bermudes, chaussé de godil­lots, j’avais devant les vit­rines de mon­tres l’al­lure d’un clochard. Aujour­d’hui je suis détrem­pé.) Aplo me présente aux col­lègues qui tien­nent les cinq étages de la bou­tique, jeunes hommes et jeunes femmes polis, bien mis, en plis. A la pause de midi, plongée dans un nou­veau souter­rain, celui des Cygnes, devant Cor­navin, souter­rain à la Piranèse blanc flu­o­ré qui fait cen­tre com­mer­cial et super­marché. Aplo scanne du Gruyères et de la saucisse au choux (des­ti­na­tion Espagne) et notre pique-nique. Mais où manger? Il pleut. Il pleut fort. Puis le mobili­er urbain répres­sif de Genève a dis­paru. Il n’y a plus rien. Plus de banc, plus d’ap­pui, plus d’au­vent — du moins autour de la Gare. Que des vocif­érants, des nègres, des allumés, des demi-aisés, des frontal­iers, des faux Suiss­es et des artistes de l’as­sis­tance et des touristes du Golfe. Ain­si va Genève. A la fin nous retournons au park­ing, mouil­lés et suant nous man­geons nos sand­wichs dans le van. Puis je prends la route pour Annecy et Greno­ble, Valence, Mont­pel­li­er. La pluie s’ar­rête. A vingt-et-une heures, je me gare dans un bois, der­rière une aire de repos, entre Toulouse et Tarbes, j’oc­culte le vit­rage, je dors.