Grave (suite)

Au terme d’une nuit de grandes douleurs où les oiseaux qui égayent l’im­passe me vril­lent les ouïes, la tête soudain durcit par l’in­térieur et fige son con­tenu de raison­nements. Je me pré­cip­ite dans le couloir dont j’ar­pente le car­relage pieds nus, je vais et je viens. De retour dans la cham­bre, je m’en­voie une giclée de nitro­gly­cérine sous le palet. Me recouche, me ren­dors. J’aboutis alors dans l’ap­parte­ment de Genève que j’habitais il y a dix-huit ans. Il est squat­té par des filles à cheveux brosse et bottes mar­tiales qui mon­trent des lits super­posés, des armoires à habits, des éviers col­lec­tifs. Et mes affaires? Enter­rées sous le planch­er. Aus­sitôt je suis sub­mergé par la nos­tal­gie de cette époque des squats mar­quée par le sen­ti­ment des pos­si­bles. “D’ac­cord, d’ac­cord, dis-je aux occu­pantes à cheveux brosse, mais merde, c’est moi qui étais dans ce squat!”. Réveil­lé en sur­saut, j’ai tiens tête entre mes mains que je presse et masse et malaxe. Il est neuf heures le matin, un orage s’an­nonce, les oiseaux ne chantent plus. Je me décide à aller à l’hôpi­tal. A l’é­tage je rassem­ble des affaires, trousse de toi­lettes, livres, sty­los, cahi­er. Je vais ouvrir la porte de l’ar­moire à habits lorsque je décou­vre sur l’é­dredon un scarabée vert or. En cinq ans, jamais je n’ai vu pareil spéci­men. Je le fais gliss­er le scarabée dans le creux de ma main et l’ap­porte au jardin. Là, je le jette au pied du prunier. Un oiseau s’envole.