Traversée

Le vide. Encore et encore. Surtout à par­tir de Valde­peñas, lorsque le plateau de la Manche prend des airs de socle sableux. Il y a bien des collines, mais elles sem­blent sus­pendues aux nuages telles des cloches dans le loin­tain juste pour créer un fond de décor. Le vide, à la lim­ite le néant car ce que l’on voit, on le voit et on le revoit tant le paysage est con­stant dans ses appari­tions. Je ne peux dire à quel point cela m’en­t­hou­si­asme. Une res­pi­ra­tion. Un lieu où l’e­sprit peut vol­er, vire­volter, devenir. La Suisse a un poids. Un poids ter­ri­ble. Tout y est ver­ti­cal, arcbouté sous le ciel, épais et ombreux. Un poids de fatigue. Je n’aime pas con­duire, mais il y a un cer­tain plaisir à cir­culer dans le vide. A quinze heures, je suis à Esquiv­ias, vil­lage du pour­tour de Madrid, province de Tolède. L’hô­tel sur­plombe un gira­toire qui évoque une empreinte d’O.V.N.I. En con­tre­bas, au bout d’un kilo­mètre de terre dure, des séries de vil­las silen­cieuses, une usine en démo­li­tion, une prom­e­nade de trois réver­bères. Il fait déjà nuit lorsque je m’y hasarde. Les mamans dis­cu­tent devant les pous­settes, un ouvri­er me salue comme si nous étions cama­rades. A l’épicerie, je demande un sachet pour emporter la bouteille de bière. La vendeuse l’air hon­teux : “ils sont payants.”. Mon lit mesure 2,10 de large; c’est dire la taille de la cham­bre. Le lende­main, passé le périphérique M50, à nou­veau le vide, couleur rouge et or cette fois, dans les val­lées de Calatayud. J’at­teins Agrabuey en fin d’après-midi, la neige com­mence de tomber.