Au village, odeurs des foyers et des bêtes, éléments de mémoire primitifs. Pins chauffés au soleil, fumées des poêles, parfum des soupes. En hauteur, au-dessus des toits des maisons, moutons dans les pacages.
Mois : octobre 2022
Lire
Mon vélo statique est installé dans la bibliothèque. C’est également la pièce qui donne sur le jardin donc un passage obligé (la maison est petite). Lorsque les voisins viennent dîner, ils passent par la bibliothèque, voient les livres, posent des questions, demandent pourquoi cette quantité de livres. Questions qui gênent Gala. Elle dit: c’est immodeste d’exposer ainsi ses livres! Mais à quoi sert une bibliothèque, n’est-ce pas? Et puis je les lis ou je les ai lu, témoins mes initiales et la date que je place en première page après lecture. D’ailleurs, il n’y en a que mil cinq cent, en tout cas moins de deux mille. Quelques années encore et un livre posé sur la table du salon (ce lui qui vous lisez) vous vaudra d’être qualifié de prétentieux! Aussi me félicité-je de cette note lue hier dans le Journal de Calaferte: … que je ne retrouve pas, mais il dit en substance: quittant l’appartement de Lyon, j’ai dû hélas me séparer de mes 45’000 livres, la nouvelle maison étant trop petite.
Conformation
La touche ‘répétition’. Faire advenir une répétition. A considérer dans le sens industriel et psychologique mais aussi, mais nécessairement, dans le sens inverse — psycho-industriel — puisque tout processus exige d’être conçu. Donc conformation du projet puis passage à l’acte. Or cette répétition devenue le thème tout-puissant de notre Occident contemporain est principalement une façon de s’assurer de la perfection du faire, autrement dit, une façon d’obtenir que le futur soit expurgé de ses aléas en répétant le présent — lequel prend la place du futur en tant qu’éternel présent.
1977
Souvenir net de l’enchantement ressenti à se promener seul dans les rues de la grande ville. Conjointement, perte de cette faculté, faute de disposition, peut-être d’esprit; à moins que la ville nouvelle, plus synthétique que dans le passé, désormais se refuse. Maintenant que les problèmes d’argent liés à la liquidation de l’entreprise diminuent et limitent la pollution intime, je tenterai de renouer avec ces divagations. Seule expérience récente en ce domaine, Détroit. Mais une agglomération aussi dénuée d’histoire ne peut produire l’effet de nos capitales du premier monde. Quoiqu’il en soit: mes parents ont fait l’année de mes douze ans un travail de libération dont je leur sais encore gré en m’envoyant me balader seul dans Madrid les mercredis, jour où nous n’avions pas école. Monter dans un bus après le repas, je roulais vingt minutes pour atteindre l’arc de Triomphe de la Moncloa après quoi je n’avais plus qu’à marcher au hasard des rues ne m’arrêtant que pour demander un verre d’eau aux comptoirs des bistrots.
“Berrea” 2
Monpère m’apprend que pour la femelle, plutôt que ‘brâmer’ l’on dit ‘réer’ . Ce que le dictionnaire ne confirme pas. Il indique en revanche que ‘brâmer’ serait la forme vieillie, ‘raire’ ou ‘réer’ la forme moderne qui vient à la fois de ‘créer’ et de ‘crier’. Également appris un autre mot hier, en espagnol cette fois: la louche de cuisine m’explique María se dit ‘cazo’. Le paysan corrige: “ici, nous disons ‘cuillera’ ”. Je fais remarquer que le premier village français est à quarante kilomètres. Ce matin, je vérifie. Pas trace de ces mots dans la dictionnaire. L’Académie enseigne que l’on dit: ‘cucharón’ ou ‘cacillo’. Ce qui me rappelle que j’ai promis il y a trois ans à un habitant de Savigny de frapper à sa porte dès que la fausse épidémie aurait pris fin pour qu’il me montre sa bibliothèque de patois vaudois. Je me réjouissais, puis j’ai oublié. Maintenant je regrette. Je me demande cet homme est toujours vivant.