Scène de rue

Fri­bourg mi-mars, place Georges-Python, je ter­mine un cir­cuit au cen­tre à décoller des stick­ers pirates sur les armoires élec­triques quand je croise Fat­mir, mon ancien pro­fesseur de Krav Maga. Je descends de vélo, nous nous embras­sons. Sur la ter­rasse du Turc dont la famille à potassé la méth­ode Assim­il pour baragouin­er son ital­ien et ven­dre des piz­zas aux dupes. Joie de se revoir, pris­es de nou­velles, mais aus­si, en dépit d’une ami­tié forte, des mon­des bien dif­férents. Fat­mir m’ap­prend la loca­tion d’une salle nou­velle, les grades passés par un tel et un autre, je lui racon­te mon voy­age dans l’est dis­ant d’emblée “oui, l’Al­ban­ie, trop musul­man pour moi, surtout Shko­dra, ah Shko­dra!”, véri­fi­ant avant d’en finir que Fat­mir est musul­man ce qui, au vu de son atti­tude de guer­ri­er sans reli­gion, ne m’avait jamais tra­vail­lé. Pas de gêne, nous pour­suiv­ons. Il me par­le de son idée qui était déjà venue à mes oreilles : lui faire un livre, une auto­bi­ogra­phie qui le mon­tr­erait gosse au Koso­vo, réfugié en Suisse et enfin grand maître du Krav Maga hon­oré de trois Dar­gas. Alors que nous devi­sons au milieu de cent buveurs, un cor­bil­lard se gare devant le Cou­vent des Ursu­lines. Les hommes en noir sor­tent un sac de plas­tique noir. Le cadavre est si mince qu’il rem­plit à peine le sac (tourné dans l’autre direc­tion, Fat­mir ne voit pas).