Collines, clochers, vaches et le soleil. Pavillons dessinés sur ordinateur. Il faudrait les gommer. Il y aurait du travail. Quel dommage: cette campagne du Sud-ouest est si belle! Le soir, je dors à l’hôtel, la patronne a un fût de Paulaner blonde, elle me sert des canettes sur la terrasse, devant le canal où passent les péniches.
Mois : avril 2022
Ousse-Aurignac, 143 km
Centaines de villages bâtis sur les hauteurs. La route champêtre se termine devant un bois, quelques lacets amènent à l’église. Ensuite, c’est à nouveau les champs, et à nouveau les lacets. Cela pendant des heures. Il ne pleut plus, le ciel est gris. La douleur au genou gauche m’inquiète. A midi, je fais halte dans une pharmacie, achète de l’anti-inflammatoire, avale un cachet. Pas de fontaines, pas de boulangeries, de rares épiciers. Au menu Coca-cola, barres de céréales et remplissage des bidons chez des particuliers. Au 130ème kilomètre, des jeunes parents apprennent à leur fils de deux ans à faire de la moto dans le jardin familial sans endommager les légumes du potager. “Non, me disent-ils comme j’indique ma direction, par là il n’y a plus rien”. Donc je me détourne de l’itinéraire, je me rend à Aurignac. La marchande de vins me renseigne. Je trouve le camping municipal. La barrière est ouverte, il n’y a ni client ni gérant. Au stade, une match de foot est en cours. L’entraîneur me désigne les vestiaires, je prends une douche puis je dresse ma tente à l’écart du bureau de réception. A force de chercher, je déniche une prise électrique et branche mon GPS, mon radar, mon portable. A trois heures du matin, je suis réveillé par un cauchemar. Une bande d’ivrognes m’arrache mon vélo des mains, le rouent de coups, détruisent ma BMW. J’ai un bâton pour me défendre, j’ai peur. Le cœur est à peine calmé quand déboule une voiture dans le camping. Il est trois heures et cinq minutes. Une bande d’ivrognes. Trois hommes et une femme. Cris, rires de sorcière. Cela à quelques mètres, dans le noir. Je me glisse hors du sac, rampe jusqu’à la haie, tente d’apercevoir le groupe. Une lumière éclaire la réception. J’ai caché mon matériel sous un vieux coussin, mais les câbles dépassent. Que faire? Outre leur valeur (plus de Fr. 1000.-), je ne peux continuer ma route à cette allure sans le GPS. D’une autre côté, si je récupère ce matériel maintenant, les hommes et la femme croiront que je les prends pour des voleurs. J’attends. Le groupe boit et fête jusque vers quatre heures, puis c’est le silence. Le matin, je récupère mon matériel près de leur caravane, je file. Dans Aurignac, la marchande de vin m’indique sa maison. Son mari, un féru de cyclisme, me prépare gentiment du café et des croissants.
Agrabuey-Ousse, 137 km.
Sans peser le vélo, j’entame la première montée. Il pleut. Le col du Somport est dans le brouillard. Les stations de ski ont fermé, il n’y a plus personne. Dans la descente, je grelotte. Après Urdos, rythme tranquille sur une trentaine de kilomètres puis l’ascension du col de Marie-Blanque au départ d’Escot. Troisième passage en quelques semaines, je ne crains plus son dénivelé et j’ai tort: cette fois, je chevauche un vélo chargé. Cuisine, tente de camping, habits de rechange, outils, de quoi tenir neuf cent kilomètres sans restaurant ni hôtel si d’aventure je n’en trouvais aucun sur la route. Quand commencent les quatre kilomètres de côte à 12% de moyenne (et 14% maximum) que redoutent les cyclistes, je m’aperçois qu’entre mon poids, le vélo et la charge, je tire quelque 103 kilos. Photo au sommet et je rejoins la vallée d’Ossau. Sur le plateau de Bedous, une voiture à l’arrêt et deux femmes : elles parlent à un cheval afin qu’il regagne le champ. Il ne bouge pas. Elles me font signe de ralentir. Je fonce sur le canasson qui s’enfuit au trot. Non mais! J’ai encore huit heures de route ! Le soir, je monte la tente sur le terrain boueux du camping de Ousse près de Pau que m’a recommandée la petite-fille du fleuriste de Soumoulou. La boulangère à qui je demandais une adresse a répondu “je ne suis pas du tout d’ici”. D’où peut-elle bien être? De Djakarta, Brisbane, New-York? “J’habite à trente kilomètres”, dit-elle avec fierté.
Minutes
Départ demain matin pour 920 kilomètres de route à travers les Pyrénées en direction de la France. Le vélo est équipé. Il va pleuvoir. L’étape première: 139 km, 2900 de montée. Je viens de tester le réchaud à alcool que je ne pouvais allumer le jour où, en décembre, après une nuit à me congeler sur le bord d’un canal, j’en avais le plus besoin — il marche. Le café, principal réconfort. Et les crèmes: de chamois, solaire, de rasage. Ces dernière heures, lettres aux tribunaux, appels aux greffes, mesures anticipatives dans le conflit d’entreprise qui pourrait me priver bientôt de mes revenus, Monfrère et mon collègue, le chanteur genevois de blues nègre, ayant intercepté les courriers officiels validant les séances de confrontation dans l’espoir de se dégager.
Maladie 2022
La belle grenadine qui se charge au village des corvées de rues porte un masque. “Désolé Alexandre, j’ai le Covid!”. Qu’a-t-elle exactement? Ce que je demande. Pas grande chose à en croire sa vitalité de corps, sa beauté de visage et le débroussailleur qu’elle manie. Un test a révélé qu’elle était touchée par le virus. Embêtée, car elle doit partir marcher au Pérou jeudi prochain. Les billets d’avion sont achetés, l’argent est investi, il n’y en pas d’autre. Je conseille d’acheter cinq tests et de présenter celui qui donnera négatif. Ces test sont faits pour conduire le crédule à la prison numérique, ils marquent la moindre rhume “contraction du virus”. Puis je lui distribue une petite pharmacie composée de Zinc, Sélénium, vitamine D, vitamine C et celle qui est interdite par nos opérateurs Mondialistes.
Les choses
Evola endommage ce qu’il touche. Verres, canapés, tapis, tout le régime ménager est aux frais. Etonnante inversion des compétences lui qui a des mains de prestidigitateur! A considérer mes pognes de maçon, je me demande comment et surtout pourquoi je réussis mieux le rapport aux objets de la vie matérielle.