Rencontre

Après avoir cam­pé l’été dernier dans un bois autrichien près de Riegl inter­dits que nous étions d’hô­tel par le train des mesures san­i­taires, j’ai con­duit d’une traite à tra­vers l’Alle­magne pour rejoin­dre en soirée la fron­tière suisse à Kreu­zlin­gen. Là, ma carte de télé­phone lâche. Un masque albanais à deux aigles sur la face, j’en­tre au super­marché, j’achète une recharge. La cais­sière m’aide. Un client me con­seille. Je tape des codes et des relances, rien n’y fait, l’écran du portable est noir. Le gérant vient à la rescousse. Il dicte les manip­u­la­tions, me com­pli­mente sur mon alle­mand qui est médiocre, je lui demande son orig­ine, il affiche un sourire: l’Al­ban­ie. Hyp­ocrite, je m’empresse de lui dire tout le bien que j’en pense (la pre­mière fois qu’en Europe je plonge en plein tiers-monde). Sincère en revanche quand je le remer­cie de sa sol­lic­i­tude et le félicite pour ses con­nais­sances tech­niques car il finit par redé­mar­rer le portable. Là-dessus je rejoins le park­ing. Evola monte en voiture, je prends le volant. Je déboîte lorsqu’un chauf­feur à bord d’une Mer­cedes agite la main par la vit­re abais­sée. Come on fait dans ces cir­con­stances, je demande: “nous nous con­nais­sons?”. C’est l’Al­banais, sans son masque. Sur le park­ing, nous échangeons nos numéros de télé­phone. Il me remer­cie chaleureuse­ment: “enfin un Suisse sym­pa­thique!”. Mais voilà, j’y pen­sais hier, jamais je n’ai retrou­vé son numéro, prob­a­ble­ment ai-je fait une fausse manip­u­la­tion et je m’en veux quand je songe que for­cé­ment, il doit penser que je l’ai fait exprès.