Balade dans la vallée d’Ernas. Sur la descente, je croise Manuela occupée à l’écurie puis Maria qui claudique sur sa canne parmi cent moutons. Au loin, coup de feu des chasseurs. Dans le creux de la rivière, une voiture gris métal devant la grange rénovée des Pajares. L’occasion de se demander si c’est là qu’ont trouvé refuge ces Israéliens dont parle le village; l’employé municipal m’a raconté que le couple avait jeté son dévolu sur ce lieu après avoir calculé que la montée des eaux de mer n’affecterait pas le parage avant 2048. A l’entrée du village sont les vaches. Les pauvres, la bouse sèche forme d’épaisses breloques sur leurs flancs. En Suisse, garçon de ferme à Faoug en 1992, la paysanne m’obligeait à brosser les seize individus après chaque traite. Progressant vers l’entrée sud du village, je m’intéresse aux maisons inhabitées, spéculant sur les propriétaires et les héritiers quand me vient à l’esprit cette évidence, innombrables sur ces terres de l’Espagne vide les enfants qui reçoivent une maison et des terrains, heureux bagage qui permet d’envisager autrement l’effort et le travail. Or, quand j’atteins ma rue, Jésus, Langa et Sanz sont près de la fontaine et parlent précisément héritage. Tous vivent dans des maisons reçues de leurs pères, prennent leur bois dans les forêts des aïeuls, cultivent des potagers appartenant à la famille mais évoquant ces héritages l’un dit: ” un enfer! sur le clôt de Fernán, nous étions onze héritiers!” et l’autre: “j’ai un appartement à Bilbao, j’en possède une trentième partie, c’est que nous étions sept frères et sœurs et chacun a eu des enfants…”. “Moi, dit le dernier, si on devait vendre le pré Bordán, je toucherais moins de mille euros”.