Il n’en demeure pas moins, les malveillants sont en passe de réussir leur coup, nous sommes piégés. La robotisation, ce rêve d’illuminé, est désormais au programme. Elle a ses partisans, ses commentateurs, ses critiques — débat qui ajoute au piège puisqu’il implique sur le principe une légitimité. Pour les personnes qui ont comme moi un peu de recul et quelques idées, le drame est complet. Fallait-il être savant pour voir venir? Non, mais non. Les malveillants ont monté le piège sur place publique comme font les équipes de forains qui dressent le chapiteau. Nous imbéciles regardions faire. Maintenant le monde entier est captif, l’horizon est repeint, la lumière artificielle. Atmosphère qui trouble les meilleurs cerveaux et aliène les questions : faut-il numériser les identités? tracer les corps? diriger les flux? recombiner le vivant? le dématérialiser? le chosifier? Pire, pour mener à bien le projet, ne convient-il pas de désactiver les récalcitrants? Les anciens vivants? Déjà je n’étais pas fier du régime de nos villes, ces machines à broyer de l’homme dont l’extension allait de pair avec la confiscation des marges. Mais pour les malveillants le monde était encore trop grand. Il s’agissait de confisquer le tout. De rabattre techniquement le possible sur le réel. De circonscrire la nature du monde. Pourtant, ils ne sont pas mages! Dresser en place publique un chapiteau est sans effet si le quidam ne vient pas s’installer sur les gradins pour admirer le cirque. Voilà la collaboration. Elle consistait à jouer le jeu des malveillants. Comme un gosse, la population s’est ruée. Tombée dans le piège, elle s’est dite ravie. Il se referme, c’est à peine si elle se débat. Pas de spectacle, plus d’issues, elle est captive? Elle minimise. Sacrificielle par bêtise? Pas seulement : elle est aussi coupable devant ceux qui, restés à l’extérieur, sont aujourd’hui à découvert et que les malveillants entendent réduire au choix général par la violence.