Etonnante beauté des grands espaces minéraux ces jours. Les sept rivières qui coulent des Pyrénées dans la vallée de l’Ebre ont pris des teintes froides. Elles traversent un silence inouï où l’on ne voit aucun homme. Dans le ciel tournent des faucons, les pins plient sous une rafale de vent. Lorsque j’atteins les villages, ils sont muets. Un vieillard assis sur un banc de pierre a les yeux fermés, le menton sur la canne. Plus loin, un calvaire et un tracteur rouge maculé de boue. Les pneus de mon vélo chuintent. Une femme se retourne. Elle ne me connaît pas, elle salue et je suis déjà de retour sur la route des prés. Les murs de pierre sèches font labyrinthe. Souvent ruinés, ils divisaient les terres à l’époque de la culture vivrière entre voisins. En direction de l’Aquitaine, les cimes qui couronnent les pentes sombres ont l’air enduites de sucre-glace. Je passe un pont romain, grimpe à travers un bois. Une perdrix s’affole, remue le buisson, c’est à nouveau le silence.