Je l’ai dit, aussitôt après avoir pénétré dans l’enclave bosniaque de Neum, nous avons quitté la route de transit pour prendre la direction des montagnes. Deux jours plus tard, nous voici devant un problème. Dix voitures sont rangées devant le poste de douane bosno-monténégrin. Rien ne bouge. Le soleil tape. Un demi-heure passe; une heure. Ce qui apparaissait comme une formalité vire à l’absurde. En cabine, sous un toit de tôle brûlant, un homme en uniforme: il contrôle un couple local. Mais que contrôle-t-il exactement? Pas de coffre ouvert, pas de fouille. Evola s’inquiète: “cette fois, on est bon pour aller faire un test”. Le couple sous enquête réussit l’examen. Voiture suivante. Même manège. Quand vient notre tour, le militaire retrouve le sourire : “Vous êtes entrés illégalement!”. Je joue à l’idiot. Il répète. Je ne comprends pas. Il répète, il explique. Tombe la sentence. Une amende de trois cents euros. Tourné vers le Monténégro dont une barrière marque l’entrée, je demande: “et nous pouvons entrer?”. Le militaire ne dit pas “non” et pour cause, ce n’est pas son affaire, il est Bosniaque. Un collègue du même âge, de la même carrure, le rejoint. L’air embêté, ils m’emmènent dans une officine. Premier geste, retirer leurs ceintures de charge, poser les Glock sur la table. Les armes sont devant moi — ce que l’on ne fait jamais. Preuve que tout va bien. Du moins pour eux. L’un des deux ouvre un tiroir, en tire des formulaires, les feuillette, soupire, me les montre. Mise en scène impeccable. “Voyez-vous, me dit-il, cela va prendre des heures pour remplir le rapport.” Un silence et il m’amadoue : “moi, je préfère voir le côté humain des choses”. J’ai compris. Je fais: “je suis persuadé que vous avez la solution”. Alors ils m’emmènent dans la cellule, me font asseoir sur le lit. “Ici, pas de caméra”, me rassure celui qui garde la porte. Je propose cent-cinquante euros. Au moment de lâcher les billets: “mais dites-moi, ensuite nous pourrons entrer n’est-ce pas?” (car je crains que l’on exige des tests ou des codes ou des vaccins bref une de ces toute neuve vexation). Argent en poche, fort contents, les deux compères rejoignent leur cabine, tendent nos passeports au Monténégrin. Qui les regarde à peine. Retour à la voiture. Evola veut savoir ce qui s’est passé. Dès fois que le trio international change d’avis, je met le contact, j’accélère. Quelques kilomètres de plus, nous atteignons le belvédère qui surplombe la plaine lacustre de Niksic où un aimable vieillard à barbe claire nous sert de la Nicksicko.