Des demi-mannequins sont alignés sur le sol de la salle communale. L’urgentiste distribue des morceaux de mousse. L’infirmière montre comment s’agenouiller, se pencher sur la bouche des mannequins adultes ou enfants, pratiquer le massage cardiaque, insuffler l’air. Nous prenons place sur les chaises d’école disposées en demi-cercle pour la suite du cours, la réanimation des bébés. Entre le maire et sa femme, j’écoute. Il fait chaud. Cent mouches tournent au-dessus des tables, picorent le matériel médical. Par la fenêtre ouverte, on voit le ciel: l’orage approche. Un premier coup de tonnerre. L’urgentiste suggère de faire une pause avant la pluie. A l’extérieur, je retire enfin le masque. Maria allume une cigarette, Isabela rentre “vite” chez elle. Le maire règle un problème d’eau par téléphone. Le cours reprend. Trois heures que nous chassons les mouches du revers de la main. A l’approche de l’orage, elles se font plus agaçantes. L’urgentiste a pris des mesures supplémentaires “liées à l’épidémie”. Lorsque nous pratiquons la respiration artificielle, il couche un papier sur le pourtour de la bouche du demi-mannequin. Nous retirons le masque au dernier moment et baisons ce papier. Las de faire la chasse aux mouches, je propose d’aller chercher la bombe d’insecticide que j’ai à la maison. Isabela se récrie: elle est sensible. Détail : son mari fume trois paquets par jour. Le cours se poursuit. Il n’y a pas grand chose à dire, ou plutôt par grand chose à savoir étant donné le but recherché: maintenir en vie la victime avant l’arrivée des ambulanciers. Nous passons à la partie défibrillateur. Dans l’ordre, diagnostiquer l’état de la victime, composer le 061, commencer le massage, si cela est sans effet enclencher le défibrillateur. L’orage éclate. Trombe d’eau, éclairs, grêle. Les mouches s’affolent. Elles s’agglutinent autour des bouches de papier que nous avons baisées. Et que Nuria continue de baiser, respectant strictement le protocole masque-filtre. Maintenant que nous sommes tous agenouillés sur nos morceaux de mousse, occupés à mettre en pratique les explications de l’urgentiste, le maire déclare: “là, ça devient tout de suite plus clair”. Alors que je pense: “c’est plus compliqué que je ne le pensais!”. Soudain des pleurs à l’extérieur de la salle. C’est Bélen, la fille du maire. En tutu rose, elle pleure le visage enfoui dans ses mains: effrayée par le tonnerre, elle est accourue depuis la maison. Sa mère la réconforte, son père la réconforte, Isabela et moi la réconfortons. L’urgentiste lui montre comment pratiquer le massage en appuyant du doigt sur le cœur d’un mannequin bébé. Deux heures plus tard, la pluie cesse. L’infirmière déclare : “vous êtes maintenant responsables pour le village”.