Les naïfs ou pour faire vieux jeu les Salauds de Sartre, dont certains étaient encore hier matin des amis disent: “rien ne change”, expression industrielle qui recoupe l’espérance d’un “retour à la normale”. Etrange pour des gens qui ont été formés comme nous le sommes tous à l’idée de progrès. Constatons que, sauf dans le paradoxe de Zénon, le truc de la flèche, rien n’est jamais immobile et que de mémoire humaine, rien jamais n’est revenu (pas même le Seigneur). Mais alors quoi? Se rassurer en un tournemain, voilà qui n’est plus de la naïveté, mais de l’imbécillité. Disons-le, personne ne sait prévoir. Donc anticiper. Je ne prévois pas, je n’anticipe pas. Prétendre le faire signifie simplement que l’on impose quelque chose à quelqu’un et que ce quelque chose, dès lors qu’on l’impose, est antérieur au moment de l’imposition. Il suffit d’ajouter : “je savais”. (les vaccins sont sans rapport avec le virus, il existaient avant lui). Si comme moi, comme vous, les imbéciles n’anticipent pas, c’est que nous sommes des personnes bien faites mais limitées et que par ailleurs, étant à peu près sains, nous ne cherchons pas à imposer. Mais voilà, si je dis “imbéciles” en parlant des naïfs c’est qu’ils répètent “rien ne change” alors que déjà — un coup d’œil suffit à le constater — tout est changé.