Pluie froide sur Agrabuey. Avec la venue de l’après-midi la lumière baisse, je me me force à sortir. J’empoigne le bâton, passe les tas de vieille neige, arpente le sentier de la rivière. Plus loin, je renoue avec la route du val d’Arnaz. Les paysans de la ferme Gonzalez remuent du travail: le cadet porte le fumier, son aîné gronde les chiens de chasse, un troisième cure les cornes des moutons, ou des brebis — je ne suis pas expert. Mes corrections abandonnées, je ne fais qu’y penser. Parcouru le premier kilomètre, je songe déjà à rentrer. D’ailleurs j’ai la tête mouillée. Regagnant le village par le côté Sud, je trouve Juan Ramon, le professeur. Il étend de gros slips de coton sur le balcon. “Je sais, dit-il, ça sèche pas. J’ai tout ce qu’il faut dedans. Mais l’air, l’air!”. Au bout du raccourci, je croise dans notre rue deux randonneurs en habits techniques. Et mon voisin, le natif, l’authentique, le patriarche d’Agrabuey. Aux jeunes randonneurs, il indique la voie à suivre pour franchir la montagne et rejoindre l’autre vallée. Probablement a‑t-il renseigné tant de fois qu’il bâcle. J’accompagne le couple technique, montre le sentier entre les pins, parle de la couverture de neige, donne des détails. Nous évoquons la Suisse. Ils ont vu le jet d’eau de Genève, Berne et Chamonix. Trop longue cette conversation, elle m’aura fait prendre froid. A peine refermée la porte de la maison, je le sens: j’ai un début de refroidissement. J’avale une capsule croate, me frictionne au baume thaï, ouvre une bouteille de rouge et reprend les corrections du roman d’anticipation. Six heures plus tard, fin de l’effort, j’écoute Hunt The Dinausor et Wolf Down. Je suis bien content. De mon manuscrit.