Cette année nouvelle, cela fera trente-huit ans que je me rendais pour la première fois en Asie du Sud-est. Avant d’y voyager une fois, deux fois par an. Cette nuit, je rêvais d’une terrasse de bistrot à Battambang-Cambodge. Penché sur mon cahier d’écriture, suant sous le ventilateur, occupé à gratter le papier à l’aide d’un mauvais stylo, je suis dérangé par des routards descendus d’une camionnette de “sightseeing”. Ils s’installent à ma table, lorgnent sur mon travail. Attendent. Attendent encore. Puis remarquent: “lui aussi est en orange, il est de nôtres! Tu es de quelle secte? Puna?”. Calme, décidé, j’arrête l’écriture, me rengorge: “si je suis en orange, c’est par hasard, je n’ai rien à vous dire. D’ailleurs je n’ai rien à dire à personne, c’est pourquoi j’écris.” Et ceux-ci de répondre : “Nous devons changer de l’argent.” Alors, moi: “je sais où aller, ne vous faites pas avoir, je vous emmène!”. Puis me levant, je vois l’état de la rue, d’habitude multitudinaire (celle du marché, au centre de Battambang), devant moi déserte et pense: l’Asie est foutue!