A Srvar et Umag, j’ai vécu l’acmé de mon projet de désenracinement calculé; tout ignorer du lieu, de la langue, ne connaître personne, manger une nourriture étrangère (plus qu’il n’y paraît), mais surtout, s’établir dans un appartement occidental. Ce qui veut dire? Un appartement bâti, équipé, décoré selon l’imaginaire des peuples de l’ancien est qui, à ce jour — comment leur en vouloir? — ont été incapables de dépasser l’image caricaturale qu’ils ont des Occidentaux. Concrètement, un univers télévisuel-capitaliste-kitsch vanté par l’industrie. Et donc, je me trouvais coupé de toutes mes déterminations. Cela ne pose pas de problème lorsque l’on est en action; par exemple on voyage, et si c’est pénible, à pied, à vélo, avec des sacs, des nuits courtes, des difficultés de frontières, c’est mieux. La pénibilité requérant et le corps et l’esprit, elle neutralise la sensation d’étrangeté. A demeure, ce n’est plus le cas. Se réfugier, dans un faux luxe, à moyenne distance, neuf cent kilomètres, est porteur quand l’amitié ou l’amour contribuent à faire de la cache un lieu choisi donc aimé — tel n’était pas le cas.