Plus désespéré que je ne veux bien le reconnaître. Je n’écris plus. Quarante ans que cela n’est pas arrivé. Aussi, j’ai travaillé avec acharnement tout l’été. Fin août, j’avais sur mon bureau trois livres et la traduction à l’espagnol de H+. J’ai mis à la poste. Pas de retour. Se voir remettre un prix est satisfaisant (pour TM). Je l’ai dit, je ne crache pas sur l’argent. Mais ce que souhaite un écrivain, c’est d’être édité, c’est d’être lu, c’est d’être commenté. Hier, je parlais avec mon éditeur parisien. « Quels sont vos projets? », demande-t-il. La question est flatteuse. Je m’avoue démuni. J’ai passé six mois à lire et compilé des notes autour de l’éthologie et de l’intelligence artificielle afin d’écrire Robots et immigrés. L’avènement de ce monde du virus a bouleversé mes intentions. La thèse principale de mon livre, la réduction de l’homme parlant-riant-jouissant à un unité d’exécution des basses taches mercantiles, si je la publiais maintenant, apparaîtrait comme le commentaire désabusé d’un état de faits que n’importe quel naïf peut constater de visu. Plus que cela, un commentaire prétentieux et académique dès lorsque je convoque les théories annonciatrices de ce désastre sans donner les moyens de le conjurer. L’alternative étant d’écrire un pamphlet. Affaire de trois jours. Mais en ce moment, tant de personnes crient. A quoi bon ajouter une voix au concert ? Ainsi, je reviens à cette idée d’écrire SM, le troisième volet de la trilogie commencé avec OM et TM. Et c’est alors que je vois que je suis plus désespérée que je ne veux l’admettre : je ne trouve pas la force de le faire.