Journées étranges. Le monde s’écroule. Au village, il fait chaud, je nourris les hirondelles, me tiens à l’intérieur. Au bout de mes réserves, je me résigne, envisage pour le lendemain une descente en ville, les centres de nourriture sont à dix-huit kilomètres et je prévois, je m’inquiète, dors mal, ne sachant pas, ne sachant plus, dégoûté, car j’ai peu envie de voir ce qu’il se passe, cette merde de prolétarisation, progéniture et vieillards masqués-abrutis, Tchernobyl. En même temps il faut, je dois, manger. Puis j’ai commandé une fois encore mes 100 litres de bière Skol chez AltoNavarra et auprès de Madame Arto les pilules qui ralentissent (augmentent — pas compris) le cœur. Donc je vais, sors ce matin la voiture du hangar municipal, monte le col, descends en ville, demande ce qu’il me faut, à la pharmacie d’abord, au supermarché ensuite où se tient, derrière la caisse, masquée, cette belle femme, au caractère andalou, de yeux blancs immenses. Dès que nous nous apercevons l’un l’autre, nos mains s’agitent: comment, comment procéder? De retour dans la maison, je recopie mon dernier livre, OM, ne dors pas la sieste, pas aujourd’hui, j’ai avalé un steak. Le soir je vais au bar d’Agrabuey où se tiennent les voisins, leurs enfants, une vingtaine, courent dans la nuit pour une partie de zombies, et présumant que je suis fort, comme ils me proposent de les retrouver le lendemain, moi à vélo, eux iront en voiture, au refuge militaire, une ascension de 20 km sur chemin empierré, je pose ma chope de Mahou, je dis, “pourquoi pas?”.