Mouvement 23

Assis sur un tronc aux Moss­es. A mes pieds, un ruis­seau vol­u­bile. Cile vaste. Haut soleil. Au loin, bruit des motos qui chavirent dans les virages. Nous débal­lons du parme­san, des œufs, du lard. Aplo et Luv ont choisi une berge plate, dans l’om­bre des sap­ins. De l’autre côté du ruis­seau, der­rière une racine mise à nue par le flot, on planterait volon­tiers une tente pour se tenir à l’é­cart du monde (et cess­er d’en­ten­dre ses lamen­tos). N’é­tait-ce le mal de ven­tre — ces jours lanci­nant — je prof­it­erais pleine­ment de la sérénité de ce lieu, à la fois ouvert, ten­dre et bril­lant. En début d’après-midi, nous regagnons nos cham­bre, nous dor­mons. Au lever, le soleil est tou­jours aus­si généreux. Sur le ter­rain du sana­to­ri­um, nous trans­portons un tapis, des haltères, des pots d’eau. Puis réal­isons un pro­gramme com­plet, échauf­fe­ment, bras-jambes, abdom­inaux. Du bâti­ment d’é­cole, fusent des rires anglais (chanque langue impose sa musique au rire). Mais nul ne s’aven­ture à l’ex­térieur, pas même de pro­fil. Comme d’habi­tude, je demande: “que peu­vent bien faire ces appren­tis hôte­liers coincés en cham­bre  depuis six semaines, loin de leur Chine, Syrie et Japon? Soudain, con­finée sous un para­pluie, une gamine jaune longe preste­ment le ter­rain. Elle descend les 467 mach­es qui sépar­ent le sana­to­ri­um de la suc­cur­sale de Den­ner. Plus tard, dans les mêmes con­di­tions, elle repasse ser­rant un paquet de chips sur la poitrine.